Si l'électronique est toujours présente chez le chanteur révélé voilà quatre ans par un premier album intitulé simplement "Un", le son se fait ici plus organique, moins synthétique, avec une basse caressante. Une volupté née en réaction à la vie en vase clos devenue la norme il y a un an et demi, crise sanitaire oblige.
"En mars 2020, au premier confinement, je me sentais complètement assommé, habité par la peur de ne plus revoir les autres, je suis très tactile, j'avais peur qu'on ne puisse plus se toucher les uns les autres", confie l'artiste à l'AFP. Après trois mois de cette sidération, les notes et les textes sont revenus dans "une sorte de rage dans la composition". "Cet album m'a aidé à tenir debout".
Ainsi est né l'album "Troie". Pourquoi un tel titre? Une allusion au fameux cheval de Troie, avoue-t-il, pas dans sa finalité guerrière mais "dans l'idée de quelque chose, placé à un endroit, qu'on ouvre et qui se diffuse". Ce qui émane ici du disque est un appétit de vie, illustré par la pochette où on voit plusieurs Malik Djoudi marcher dans un cadre baigné de soleil (la Villa Noailles à Hyères, centre d'art et résidence artistique).
Les mentors Christophe et Philippe Zdar
La lumière qui s'échappe aussi de l'album, comme sur le titre "Saatchi", pourrait bien avoir été inspirée par les photos de deux mentors affichées au mur pendant la confection du disque, Christophe et Philippe Zdar.
"Christophe (disparu en avril 2020), oui j'ai beaucoup pensé à lui, à sa personne; Philippe Zdar (musicien-producteur réputé, décédé en 2019), j'ai eu la chance de faire une masterclass avec lui, on buvait ses paroles, tu regardes leurs photos en studio et tu les entends parler, ils m'ont donné beaucoup de force", analyse-t-il.
Son album s'est naturellement ouvert à des invités, comme il l'avait déjà fait par le passé avec Etienne Daho ("A tes côtés" sur son deuxième album "Tempéraments"). Sans rien se refuser. Notamment quand il lit Isabelle Adjani qui déclare dans Le Parisien au sujet de ses goûts musicaux: "J'adore Malik Djoudi, Rufus Wainwright, Lou Doillon, Anohni (ex-Antony and the Johnsons)".
Plusieurs duos, dont un avec Isabelle Adjani
Le musicien contacte alors l'actrice "juste pour la remercier de parler de moi, j'étais hyper touché". Il écrit aussi "Quelques mots", morceau délicat, en pensant à un duo avec elle. "Je n'y croyais pas du tout mais Isabelle Adjani a accepté, elle est venue en studio, c'était génial, incroyable", se réjouit le compositeur. "Cette hypersensibilité à fleur de peau (...) correspond à des choses que j'aime en musique française", dit du chanteur la star de cinéma dans Les Inrockuptibles.
Trop souvent ramenée dans la musique à "Pull marine", morceau qu'elle avait co-écrit dans les années 1980 avec Serge Gainsbourg, la comédienne reste toujours à l'écoute de l'air du temps, comme l'a prouvé une collaboration en 2019 avec le binôme électro The Penelopes.
Malik Djoudi s'offre aussi deux autres duos avec Philippe Katerine (sur "Eric", les deux artistes sont sur le même label, Cinq7, et avaient déjà chanté en duo lors d'un hommage à Christophe) et Lala &Ce (prononcer Ace, comme au tennis). Cette nouvelle venue, singulière dans le paysage musical avec son rap en apesanteur, pose sa voix sur "Point sensible".
Avec son magnétisme touchant et sa voix androgyne, Malik Djoudi continue pour sa part de creuser le sillon d’une chanson électronique et d’une pop synthétique à la minutie et à la sensualité impeccables.
olhor avec afp
Malik Djoudi, "Troie" ( Wagram Music/Cinq 7).