Au moment de fêter ses 70 ans, Jean-Jacques Goldman a sans doute reçu de très nombreuses sollicitations pour des interviews, documentaires et passages antenne. Et pourtant, ne dérogeant pas à ce qui est une réalité depuis plusieurs années, l'artiste continue de refuser de s'exprimer dans les médias.
Au journal Le Parisien qui lui proposait récemment une interview, le chanteur a répondu: "Merci pour votre gentille proposition. Mais, malheureusement, les années ne me rendent pas plus intéressant! Épargnons vos lecteurs". Les hommages se feront donc sans lui.
Pas de retour prévu
A cette absence médiatique s'ajoute une absence artistique - son dernier album date de 2001 - et une absence scénique qui devrait, elle tout du moins, être définitive. A une fan qui lui demandait il y a quelques semaines s'il envisageait une tournée d'adieu, le chanteur lui a répondu "Je suis triste de la tristesse que cette absence peut causer, mais je sais aussi ce que la scène exige d’implication, d’énergie, de désir, et je n’en suis plus capable. Et il me semble que ce serait trop difficile, émotionnellement aussi."
Exilé à Londres avec son épouse et ses trois plus jeunes filles depuis plusieurs années, Goldman se fait très silencieux et ne montre aucun signe annonçant un retour possible. Il reste pourtant la personnalité préférée des Français et des Françaises en 2020. Deux raisons expliquent ce qui ressemble à un paradoxe: une personnalité discrète et proche de son public et des chansons aux thématiques fortes et indémodables.
Compositeur avant d'être chanteur
Né un 11 octobre 1951 à Paris de parents immigrés juifs, Jean-Jacques Goldman a débuté sa carrière musicale au sein de divers groupes dont Taï Phong. A la fin des années 1970, le jeune éditeur Marc Lumbroso le repère en tant que compositeur. Mais personne ne veut alors interpréter les chansons qu'il écrit. Marc Lumbroso le convainc de les chanter lui-même. "C'était la solution du désespoir", explique-t-il dans le documentaire à voir actuellement sur RTSPlay.
Il faudra presque deux ans à Marc Lumbroso pour trouver une maison de disques qui accepte de signer le jeune chanteur. En 1981 paraît un premier album avec ce titre plus qu'explicite "Il suffira d'un signe", et le succès est au rendez-vous. Deux albums suivent et les hits s'enchaînent: "Quand la musique est bonne", "Comme toi", "Au bout de mes rêves", "Encore un matin". Jean-Jacques Goldman est désormais une vedette.
Refusant de changer son mode de vie et peu enclin à monter sur scène, Goldman repousse le moment de partir en tournée. Mais, après trois albums et une pression toujours plus forte, il se décide à rencontrer son public et fait appel au guitariste Michael Jones pour l'accompagner. Un artiste qu'il connaît déjà et qui restera désormais à ses côtés. Cette complicité a inspiré le duo "Je te donne", présent sur le quatrième album sorti en 1985 et sur lequel on trouve également "Je marche seul" qui devient numéro 2 du Top 50.
Une critique pas tendre à ses débuts
Malgré un succès populaire qui ne se dément pas, la critique, elle, n'est pas tendre. On relève sa voix de "fausset" ou de "castrat", on titre "Jean-Jacques Goldman est nul", on le traite de "chanteur pour midinettes" avec des "textes à deux balles".
Jean-Jacques Goldman contre-attaque en s'achetant une page complète dans les journaux Libération et France Soir qu'il remplit des critiques les plus acerbes reçues, y ajoutant ce message destiné à ses fans: "Merci d'être quand même venu".
Suivra en 1987, le double-album "Entre gris clair et gris foncé", avec des succès comme "Puisque tu pars", "Il changeait la vie", ou encore "Là-bas" en duo avec la chanteuse sri-lankaise Sirima, repérée dans le métro.
Mais Goldman a envie de partager le haut de l'affiche. En 1990, il s'associe à Michael Jones et à la chanteuse Carole Fredericks au sein d'un trio. De cette collaboration naîtront deux albums et les titres "A nos actes manqués", "Né en 17 à Leidenstadt", ou encore "Rouge".
En 1997, le chanteur revient à sa carrière solo et sort encore deux albums très différents l'un de l'autre: "En passant", plutôt intimiste, et "Chansons pour les pieds", beaucoup plus dansant, en 2001.
Des histoires particulières qui deviennent universelles
Au final, "que" neuf albums en quarante ans de carrière, mais un nombre de hits impressionnant. Lorsqu'on interroge ses fans, beaucoup mettent en avant des chansons qui rassemblent et qui sont comme des repères importants dans leur vie. "Il arrive à mettre des mots sur des émotions très fortes et à rendre universelle une histoire qui est au départ particulière", explique une fan dans le documentaire.
Et aux aficionados des années 1980 et 1990 vient s'ajouter désormais une nouvelle génération qui découvre Goldman à travers les chansons originales, mais également grâce à de nombreuses reprises par des chanteuses et chanteurs du moment.
Au-delà de ses chansons, c'est la personnalité de l'artiste qui est également plébiscitée. On évoque une gestion de carrière parfaite ou presque et une discrétion médiatique qui lui permet d'être perçu comme quelqu'un qui ressemble à tout un chacun et qui a une vie normale. De plus, l'artiste est connu pour répondre par écrit et de manière personnelle à de nombreux fans, ce qui le rend abordable ou presque.
Au service des autres
En plus de ses propres titres, Goldman a toujours mis et continue de mettre sa plume au service de très nombreux chanteuses et chanteurs, leur offrant parfois des albums complets comme "Gang" de Johnny Hallyday sorti en 1986 qui contient "J'oublierai ton nom", "Laura", "Je t'attends" et "Je te promets" ou encore "D'eux" de Céline Dion qui reste l'album francophone le plus vendu à ce jour et qui a définitivement mis la chanteuse québécoise en orbite en 1995.
Jean-Jacques Goldman s'est aussi investi dans des causes caritatives, la plus connue étant "Les Restos du coeur" et les tournées des Enfoirés pour lesquels il a composé l'hymne fédérateur. A la mort de Coluche, et jusqu'en 2016, Goldman en est le directeur artistique.
Au moment de quitter cette collaboration de 30 ans, Goldman a évoqué l'envie de "passer la main à la nouvelle génération", mais les polémiques autour du show des Restos du Coeur ont certainement pesé dans la balance.
Deux albums de reprises à venir en 2022
Peu d'espoir donc de revoir Jean-Jacques Goldman sur scène ou d'imaginer la sortie de nouvelles chansons. Seule petite lueur, l'annonce, révélée par Le Parisien, de la sortie en 2022 de deux albums de reprises du chanteur.
Intitulé "Héritage Goldman", ce projet, validé par l'artiste, réunira principalement des artistes méconnus. On parle de la présence d'un choeur gospel sur le premier et d'une "dominante celtique" sur le deuxième. Une tournée devrait suivre.
Andréanne Quartier-la-Tente