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Le chanteur français Gael Faure gagne le pari de l’indépendance

Le chanteur Gaël Faure. [DR - Thomas Laisné]
Gael Faure prend le large / Vertigo / 8 min. / le 16 novembre 2021
Dans un nouvel EP intitulé "L’eau et la peau", le chanteur français Gael Faure propose cinq chansons bien loin de l’univers formaté de La Nouvelle Star, le concours qui l’a révélé voilà plus de quinze ans.

Lors de sa participation à La Nouvelle Star, Gael Faure a 18 ans. Le jeune étudiant en architecture paysagiste débarque d’Ardèche avec sa belle gueule, son enthousiasme, sa passion pour le groupe U2 et ses illusions. Peu après la fin de l’aventure, il est approché par Serge Khalifa, un producteur indépendant avec qui il enregistre son premier album, "Jardin en ville", dans une veine très pop. Le succès est mitigé, ce qui n’empêche pas l’artiste de faire ses armes sur scène.

En 2012, Sony Music le prend sous contrat. "De silences en bascules" sort début 2014, lancé par deux singles dont "On dirait l’Islande". Cette chanson sensible et mélancolique affirme le talent de compositeur de Gael Faure, elle exprime aussi l’attachement de l’auteur à la nature, à des terres sauvages et âpres. Quatre ans plus tard, avec "Regain", le jeune artiste autodidacte livre une œuvre plus personnelle, hantée par l’œuvre éponyme de l’écrivain Jean Giono.

Un spectacle autour des textes de Giono

Déçu par les ventes, Sony lui intime de composer des chansons entraînantes, calibrées pour les ondes. Lassé par ces injonctions, le chanteur finit par claquer la porte et choisit l’indépendance. En 2019, Gael Faure imagine un spectacle autour des textes de Giono, une création entre danse, chanson et littérature: "Le bruit du blé". Un beau titre pour un projet qu’il n’a pas pu faire vivre sur scène comme il le prévoyait. La faute à la pandémie et au confinement, qui lui a cependant permis de prendre son temps pour composer ce nouveau mini-album particulièrement réussi, où son humanisme s’exprime au mieux.

Gael Faure entend aller au plus proche de la vie

Si l’intérêt de Gael Faure pour l’œuvre de Jean Giono a pu surprendre certains, elle répond à une passion profonde. Le chanteur français s’en explique à la RTS: "A la lecture de ses textes, j’avais l’impression de revoir ma famille, mes grands-parents, de comprendre là d’où je venais, l’importance des lieux. Ce qui m’intéresse chez Giono, c’est qu’il ne vient pas chercher que la beauté, bien qu’il la décrive très bien. Il dit aussi la douleur, la rage, l’incompréhension. Il révèle tout ce qu’il y a dans l’humain en racontant la terre".

Avec son nouvel EP intitulé "L’eau et la peau", Gael Faure entend aller au plus proche de la vie, rendre compte des frémissements, des doutes, des changements en devenir. Il le fait sans effets de manche, employant des mots du quotidien, des mots qui chantent, comme ce titre qui fait référence à notre essence profonde: "L’eau c’est nous intrinsèquement, on est composé à 65% d’eau. L’eau c’est limpide, c’est effrayant, c’est attractif. Et la peau pour moi, c’est intemporel. Je voulais un titre à la fois sensoriel, charnel et justement intemporel".

Le chanteur délivre les mots, sans trop les habiller

Sur le plan musical, l’auteur-compositeur-interprète ose aussi une plus grande mise à nu. L’album est moins orchestré, la voix est plus posée. Le chanteur délivre les mots, sans trop les habiller. L’univers sonore s’avère à la fois boisé et électronique.

Gael Faure a eu recours aux services d’Emiliano Turi, batteur et réalisateur issu de l’univers de la techno. "Je lui ai précisé clairement que je ne voulais pas faire de l’électro. Je suis un chanteur plutôt folk, un songwriter, mais en même temps, j’aime l’élasticité des choses, pouvoir être au même moment sous terre et dans le ciel. Je voulais casser les carcans. L’électro permet cela, on se perd dans les boucles, on va vers le cinématographique".

Et ce n’est pas par hasard si le morceau le plus synthétique, "Tu risques quoi?", est illustré par un clip particulièrement libre et émouvant. On y voit un couple de retraités prendre le large et brûler la vie par tous les bouts, comme le feraient deux adolescents. L’envie de casser le moule a nourri le scénario de ce film.

Gael Faure précise: "J’ai vu ma grand-mère terminer sa vie dans un hospice, ma mère y a longtemps travaillé. C’était symbolique pour moi de faire un clip qui parte de là et qui aille ailleurs. Je trouve incroyable que notre société soit incapable d’accepter que les retraités vivent intensément, foutent même la merde, comme c’est le cas dans mon film. La vieillesse ne veut pas dire la fin du désir". Le clip en question passe très peu sur les chaînes spécialisées, car jugé trop dérangeant, montrant trop de peau nue.

La fragilité du quotidien incite Gael Faure à se projeter avec circonspection. Ce futur père prévoit de partir en tournée à l’automne 2022 en choisissant les salles où il se produira. "J’ai l’envie de perpétuer ce que j’ai vécu avec le spectacle consacré à Jean Giono, à savoir ramener l’art dans la campagne, d’arrêter les grosses villes, les grosses machines, de revenir à l’humain. Mon dernier concert avant le confinement avait pour cadre une bergerie, après une longue randonnée. J’aime prendre du temps, que cela soit presque comme une réunion".

Michel Masserey/olhor

Gael Faure, "L’eau et la peau" (Zamora Label).

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