Patti Smith, trajectoire d'une icône punk "normalement excentrique" 

Patti Smith, poétesse, comédienne, musicienne. Militante aussi. Une artiste aux mille vies, âgée aujourd'hui de 74 ans. Son parcours si singulier est retracé dans le documentaire "Patti Smith, la poésie du punk", de Sophie Peyrard et Anne Cutaia. La cinéaste et la monteuse ont rassemblé des morceaux de musique, des photographies, une foule d'images d'archives, de voix. Elles ont aussi inséré quelques dessins animés pour donner de l'épaisseur à leur récit.

Le documentaire suit le cours de la vie de Patti Smith. L'enfance d'abord, et l'artiste qui raconte: "Je voulais être quelqu’un de spécial. Je me sentais éloignée. Pas seulement des autres enfants, je me sentais loin du monde entier. J’ai passé mon enfance à penser que j’étais extraterrestre." La petite Patti grandit dans le New Jersey rural et bénéficie d'une éducation religieuse par sa mère, témoin de Jéhovah. Mais Patti Smith quitte le mouvement, qui ne convient pas à ses velléités artistiques.

New York, la ville de tous les possibles

Alors âgée de 20 ans, Patti Smith débarque à Manhattan. Elle a seulement quelques dollars en poche. Et a emmené avec elle ses biens les plus précieux: un recueil de poèmes signé Rimbaud – "Les illuminations" –, ses crayons de couleur et son carnet de notes. Elle n'a pas grand-chose, mais est "tellement heureuse. Rimbaud, Modigliani, Brancusi, ils étaient tous pauvres", s'exclame, enthousiaste, celle qui allait devenir la marraine du punk.

"Patti Smith, la poésie du punk" montre à quel point les mots ont façonné cette artiste, comment ils l'ont aidée à se reconstruire après un succès trop intense, après le deuil aussi. Il montre également le rôle capital joué par New York.

New York est la chose qui m’a séduite. New York est ce qui m’a formée. New York est ce qui m’a déformée. New York est ce qui m’a corrompue. New York est ce qui m’a convertie. New York, c’est aussi ce que j’adore.

C'est à New York que Patti Smith rencontre le photographe Robert Mapplethorpe. Ils sont d'abord amants, puis deviennent amis, quand Mapplethorpe avoue qu'il préfère les hommes. Ils vivent quelque temps au Chelsea Hotel, haut lieu de la contre-culture. Les artistes y passent une nuit ou plusieurs mois, voire plusieurs années. Janis Joplin est là, aux côtés de Jimi Hendrix et des écrivains William S. Burroughs et Allen Ginsberg, figures de proue de la Beat Generation.

Dans la chambre numéro 1017, la plus petite de l'hôtel, Patti Smith passe des heures à écrire. D'autres lieux new-yorkais l'inspirent fortement, comme la Factory – l'atelier d'artiste d'Andy Warhol, là où est né le Velvet Underground –, et plusieurs bars où elle commence à se produire. Patti Smith raconte cette tranche de sa vie dans le merveilleux "Just Kids", livre paru en 2010.

Patti Smith, l'engagée

Ce documentaire expose également les doutes de Patti Smith quand elle est propulsée sous le feu des projecteurs. La poétesse, chanteuse et musicienne se demande alors comment rester elle-même quand on devient connue. Et puis, le film évoque l'engagement de l'artiste, qui tient à donner la parole aux minorités. Elle milite aussi contre la guerre du Vietnam, aux côtés notamment de Joan Baez, avec qui elle a chanté sur la scène du Paléo Festival, en 2015.

Pour Patti Smith, "l’esprit critique, c’est très patriotique. Il est de notre devoir de manifester face à des injustices. Cela fait partie de la culture américaine." L'esprit de liberté aussi, qu'elle revendique, elle, cette femme libre qui "a créé sa vie comme elle l’avait rêvée".

Pauline Rappaz

^{"Patti Smith, la poésie du punk", un documentaire de Sophie Peyrard et Anne Cutaia, à voir sur Play RTS jusqu'au 12 décembre.}