Qu'elles aient appartenu à Antonio Vivaldi, qu'elles soient même de sa main pour l'une d'entre elles, ou non, l'archet virtuose de Sue-Ying Koang interprète à merveille les sonates du manuscrit "Shrank 2". Elle y est accompagnée par le continuo de Vincent Bernhardt, le violoncelle de Diana Vinagre et le théorbe ou la guitare de Parsival Castro.
Après avoir étudié en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, c'est près de Morges (VD) que Sue-Ying Koang s'installe après avoir terminé des études à la Haute école de musique de Genève. Elle est violoniste baroque, mais cela n’a pas toujours été le cas. "Jusqu’à l’âge de 32 ou 33 ans, je faisais du violon moderne, explique-t-elle à la RTS. J’ai passé une grande partie de ma vie professionnelle à travailler dans un orchestre symphonique. Je jouais alors principalement des œuvres romantiques et classiques. Mais en 2010, j’ai eu la chance de faire la connaissance de plusieurs personnes qui m’ont ouvert la voie vers la musique baroque et la pratique historique."
Pratique historique
La pratique historique désigne la manière d’aborder la musique en la remettant dans le contexte de son époque. "Le violon est un instrument connu, mais il n’a pas toujours existé sous cette forme. Il a évolué entre le début du 16e siècle et aujourd'hui. On n’utilise pas les mêmes cordes, ni les mêmes archets – les sonorités sont différentes, parce que les exigences de chaque époque sont différentes." C’est ce qui se produit avec ce disque, transportant l’auditeur dans la Venise du 18e siècle.
Autre exemple, les cinq sonates du disque, dont deux sont signées par Johann Friedrich Schreyfogel et Johann David Heinichen, et dont trois sont anonymes. Il n’existe pas d'édition moderne de ces partitions, écrites à la main et très vite. "On y voit beaucoup d’erreurs, par exemple des altérations qui sont placées au mauvais endroit, des notes manquantes ou en trop, etc., explique Sue-Ying Koang. Ces erreurs ont nécessité un défrichage de notre part, pour redonner vie à la musique dans le style de son époque."
Les manuscrits
Le mystérieux manuscrit contenant ces cinq sonates aurait été copié par Johann Georg Pisendel, musicien allemand actif à Dresde en Allemagne. "Pisendel arrive à la cour de Dresde en 1710, et il y finit sa vie en tant que chef d’orchestre, précise Sue-Ying Koang. Concernant l’histoire de ce manuscrit, Pisendel part en voyage diplomatique en Italie avec la cour entre 1716 et 1717. C’est là qu’il rencontre Vivaldi, dont il devient l'ami et l'élève. Ils se dédient des partitions, et Vivaldi corrige celles de Pisendel."
En 1760, l’armée prussienne bombarde Dresde. Les partitions de Pisendel seront perdues pendant un siècle, jusqu’en 1860. "Le nouveau maître de chapelle de la cour, Julius Rietz, retrouve dans une armoire plus d’une centaine de partitions rassemblées par Pisendel. Il s’agit de musique qu’il a copiée ou acquise. Les partitions du manuscrit que nous jouons sont clairement de la main de Pisendel, on y reconnaît aussi le papier vénitien de l’époque."
De la bibliothèque de Vivaldi?
Il serait logique d’en déduire que Pisendel a copié ces partitions lors de son voyage en Italie. Certaines sonates rappellent d’ailleurs le style de Vivaldi. Serait-ce possible qu’elles proviennent de la bibliothèque du compositeur italien? Impossible de le confirmer, d’où le titre de l’album, "Dalla Biblioteca di Vivaldi ?".
Propos recueillis par Benoît Perrier
Adaptation web: Myriam Semaani
"Dalla Biblioteca di Vivaldi", Johann Friedrich Schreyfogel, Johann David Heinichen, Sue-Ying Koang, Vincent Bernhardt, Diana Vinagre, Parsival Castro (Calliope).