"Tu n'es pas le sosie (de Johnny), tu es la réincarnation." Ces mots sont ceux de Marianne James, jurée de l'émission de divertissement La France a un incroyable talent, prononcés en 2018 après la performance d'un chanteur alors inconnu du grand public: Jean-Baptiste Guégan.
Quelques semaines plus tard, l'homme "à la voix de Johnny Hallyday" remporte la finale du concours avec plus de septante pourcents des voix du public, un record pour l'émission, et encaisse un chèque de 100'000 euros.
Pourtant, le défi était osé. "Il a une chance sur 100 d'être adoubé et 99 pourcents de chance de se faire absolument rétamer, parce que nous sommes comme les autres, nous pensons que derrière Johnny… y faut pas venir trop y toucher quoi", confie Marianne James.
Depuis ce triomphe, l'artiste vit un rêve éveillé. Des centaines de milliers d'exemplaires de ses deux albums ont été vendus, il remplit les salles de concerts en quelques heures et est devenu un des fers de lance de la chanson francophone.
Une coïncidence et de la sueur
"J'ai découvert Jean-Baptiste en pensant que j'écoutais Johnny", reconnaît le musicien Pascal Obispo. Les témoignages de cette teneur se multiplient dans le documentaire "Jean-Baptiste Guégan: l'incroyable destin de l'homme à la voix de Johnny", à voir sur Play RTS jusqu'au 4 janvier. Pour autant, le mimétisme du Breton avec le rockeur ne se limite pas au timbre de sa voix.
Ses intonations, sa prononciation, son rythme d'élocution et même la position de son corps, jambes arquées, quand il reprend son idole, sont également caractéristiques de Johnny Hallyday. Et là, Mère Nature n'y est pour rien.
En définitive, c'est une improbable coïncidence qui a donné à Jean-Baptiste Guégan les moyens d'être là où il est aujourd'hui: le fait de posséder à l'identique le timbre vocal du chanteur dont il est fan depuis son plus jeune âge. Le reste est le fruit d'un long processus d'intériorisation.
"Je veux être un homme comme ça"
Né le 14 mai 1983 à Saint-Brieuc, sur la Côte d'Émeraude, au nord de la Bretagne, Jean-Baptiste Guégan grandit au son de Johnny dont ses parents sont fans. La star est au firmament au milieu des années 1980 avec la horde de tubes composés par Michel Berger et Jean-Jacques Goldman.
Il avait une telle façon de chanter qui était quand-même impressionnante. Il m'a fasciné!
Dès l'âge de huit ans, le garçon passe tout son temps libre à écouter et à chanter du Johnny. Sa chambre est décorée de posters de la star et un événement va entériner son admiration pour l'Idole des jeunes. En 1992, le père de Jean-Baptiste emmène son fils voir Johnny à Paris Bercy. "Ce fut un moment inoubliable", avoue l'artiste, et un déclic: "C'est ça que je veux faire. Je n'ai pas dit 'je veux être Johnny Hallyday', ce n'est pas ça, j'ai dit 'je veux être un homme comme ça'".
"Johnny Junior" à l'affiche
Ado un peu marginal, Jean-Baptiste Gégan se renferme sur lui-même et sur l'univers de son idole. Nadège, son amie à cette époque et sa future épouse, pense "que Johnny l'a aidé à traverser des choses de la vie, à travers des chansons, des concerts, des documentaires, des livres".
Poussé par des copains dans un bar lors d'une soirée karaoké, Jean-Baptiste se produit pour la première fois devant un public et "scotche" l'assistance. C'est le prélude à des années de tournées dans les campings et les fêtes de village sous le nom de scène "Johnny Junior".
Après une période difficile marquée par la disparition de sa mère, l'abus d'alcool et le départ de Nadège avec leurs trois enfants, un petit organisateur de concert, Christophe Porquet, prend Jean-Baptiste sous son aile et les concerts recommencent dans toute la France. Mais sous son nom et avec un vrai groupe.
De la Bretagne à Nashville
Le 5 décembre 2017, c'est le choc pour des million de fans à travers la francophonie: Johnny est mort. Jean-Baptiste est KO, il perd son père spirituel: "Mon Jojo est parti".
A nouveau sur la route, lors d'une étape à Dieppe, Jean-Baptiste et son manageur entrent en contact avec Michel Mallory, musicien qui a écrit plus d'une centaine de chansons enregistrées par Johnny. Mais ce dernier ne veut pas entendre parler d'un imitateur de son ami disparu.
Christophe Porquet le convainc, les hommes se rencontrent en Corse et, lors d'une sortie en mer, Jean-Baptiste chante et bouleverse Michel Mallory qui entend la voix de son ami et ne peut réfréner des larmes. Le parolier fait une proposition aux deux hommes qui va au-delà de leurs espérances: enregistrer des textes écrits pour Johnny sur la fin de sa vie et qu'il n'a pas eu le temps d'enregistrer.
L'album "Puisque c'est écrit" est enregistré à Nashville et sort le 30 août 2019. Il est composé de douze titres inédits et se place en première place des ventes dès la première semaine de sa sortie. Fort de ce succès, Jean-Baptiste part pour une tournée des Zéniths, chantant les chansons de son album, mais rendant largement hommage à Johnny et à son immense répertoire. "Je vis un rêve éveillé, tout simplement", reconnaît-il.
"C'est mon album"
Interviewé en 2019 sur la RTS, après la sortie de "Puisque c'est écrit", Jean-Baptiste Guégan revendique ce premier album comme étant pleinement le sien: "Cet album, c'est avant tout le mien. Ça n'a rien à voir avec un album de Johnny Hallyday". Une affirmation qui peut surprendre concernant un disque écrit par le parolier fétiche du rockeur et en partie pour le chanteur disparu.
Si personne n'oserait contester qu'il est parvenu à devenir un "homme comme ça", il se pourrait que, par le parcours du chanteur et son rapport presque intime à son idole, il soit devenu, à son insu, un peu Johnny tout de même.
Sosie vocal, imitateur génial, réincarnation ou fils spirituel de Johnny Hallyday, il n'en demeure pas moins que Jean-Baptiste Guégan est aujourd'hui un artiste complet, qui est passé de l'ombre de Johnny à la lumière de Jean-Baptiste.
Sébastien Blanc