Beatrice Berrut, "Liszt" (Printemps des Arts de Monte-Carlo)
L'issue d'un parcours? Avec ce récital consacré aux œuvres de la fin de la vie de Franz Liszt (1811-1886), Beatrice Berrut enregistre pour la troisième fois son compositeur de prédilection. La familiarité de la musicienne valaisanne avec le génie du piano est telle qu'elle paraît l'avoir côtoyé. Le résultat s'en ressent, tant mieux.
L'émotion naît d'une épure délibérée et d'une expression juste, nourries d'une intime compréhension. Sombres sont les partitions mais cette défense maîtresse fait miroiter leurs teintes de noir. Aboutissement, en somme, pour la nouvelle recrue du label, recommandé, La Dolce Volta.
Johan Farjot, "Sisters: Lili & Nadia Boulanger, Complete Piano Works" (Klarthe)
Deux sœurs Boulanger, deux compositrices. Lili, foudroyée à 24 ans par la tuberculose. Et son aînée, Nadia, qui lui survécut soixante et un ans et enseigna la composition à Aaron Copland, Astor Piazzolla, Philip Glass et tant d’autres. Johan Farjot propose la première intégrale de leurs œuvres respectives pour piano. Sensible et engagée, elle révèle celle, méconnue, de Nadia Boulanger dont elle présente trois inédits en première mondiale.
Un projet de cœur, cohérent et fascinant pour ce pianiste tout aussi à l'aise dans une résidence bimensuelle au Bal Blomet de Paris où, avec le saxophoniste Raphaël Imbert et des invités, il raconte "Les 1001 nuits du jazz".
Orchestre de chambre de Lausanne, Renaud Capuçon, "Arvo Pärt, Tabula Rasa" (Erato)
Pari osé, pari gagnant. Pour son premier disque avec l'Orchestre de chambre de Lausanne (OCL), le nouveau chef et directeur artistique Renaud Capuçon choisit un compositeur bien vivant, l'Estonien Arvo Pärt. Méditative, transcendante, sa musique exalte les sonorités des instruments à cordes et l'OCL lui fait honneur.
Plat de résistance, le double concerto "Tabula Rasa" (1977) émeut par touches mélodiques minimales quand l'orchestre semble figurer un incessant et varié ressac. Les œuvres qui l'accompagnent, notamment "Darf ich…" (1995) ne sont pas en reste. Un répit fertile.
Arianna Savall, "Le Labyrinthe d'Ariane" (AliaVox)
Enfin seule. Malgré une longue carrière et des projets par dizaines, la harpiste et soprano Arianna Savall n'avait jamais enregistré en solo. Son "Labyrinthe" répare ce manquement en alliant la grâce à l'érudition. Choisissant des œuvres françaises, italiennes et espagnoles des 13e au 17e siècles, la musicienne n’emploie pas moins de sept harpes historiques de provenances et d'époques différentes.
Ce faisant, elle révèle un véritable continent de sonorités émanant d'un instrument qu'on croyait fixé dans sa forme moderne. Remarquable.
Anne Marie Dragosits, "Ich schlief, da träumte mir" (L'Encelade)
Un disque entier sur le thème du sommeil lu par des compositeurs allemands du début du 18e, chiche? Gageure sur le papier, cette veillée se révèle tout sauf soporifique. La claveciniste autrichienne Anne Marie Dragosits a en effet un sens consommé de la programmation, nous faisant divaguer avec bonheur entre un "Sommeille" de Christoph Graupner (1683-1760), des œuvres des fils Bach ou une suite dédiée à Uranie, la muse de l'astronomie. C'est sans compter le raffiné de son articulation et la chaleur d'un clavecin historique de 1728 conservé dans un musée de Hambourg.
Un songe de récital par la nouvelle professeure de basse continue de la Haute école de musique de Genève.