Une pop d’orfèvre finement ciselée qui charrie ce mélange toujours probant de mélodie, d’orchestrations synthétiques et de textures atmosphériques. Pour son grand retour après dix-huit ans de silence studio, Tears for Fears trouve une magnifique harmonie pop et vocale sur "The Tipping Point" ("Le point de bascule").
Près de quarante ans après "The Hurting" (1983), on reconnaît immédiatement le son de Tears for Fears qui allie spleen et légèreté, héroïsme et fragilité. En dix morceaux à la fois sophistiqués et envoûtants, le duo britannique composé de Curt Smith et Roland Orzabal est parvenu à surmonter ses drames et dissensions passées, qu'il confesse d'ailleurs dans la chanson "Stay" en évoquant le fait de ne pas toujours avoir été sur la même longueur d'onde.
"'The Tipping Point' est un album puissant car honnête. Nos destins n'ont pas toujours été liés, on avait besoin de grandir spirituellement séparément avant de se retrouver, arrivés à la même maturité", expliquait ainsi récemment à l'AFP Roland Orzabal.
Sujets graves et mélodies soyeuses
Curt Smith a ainsi mal vécu le succès rencontré dans les années 1980 à la faveur de la vague de la pop synthétique (Depeche Mode, Pet Shop Boys, Soft Cell ou Eurythmics) et des morceaux devenus des classiques comme "Shout" ou "Everybody Wants to Rule the World". Il tente rapidement l'aventure en solo dès les années 1990, avant des allers-retours au sein de la formation jusqu'à la dernière réconciliation en date dans "Everybody Loves a Happy Ending" (2004).
Ces dernières années, Tears for Fears s'était ainsi surtout contenté de se produire sur scène avec ses anciens tubes, avant que n'apparaisse enfin le désir d'un nouvel album original qui oscille entre ombre et lumière, drame et espoir. Au fil de "The Tipping Point", entre la chanson titre et "Please be Happy", surgissent ainsi des sujets graves, comme la mort de la femme de Roland Orzabal et ses cures de désintoxication. Une profondeur de champ complétée par des questionnements autour des démocraties menacées, de la violence conjugale, de l'autoritarisme ou d'une nécessaire parité homme-femme en politique.
Autant de messages forts accompagnés par des mélodies souvent soyeuses. Ce nouveau répertoire alterne une suite d’orages électriques et d’accalmies orchestrales, de ballades et d’éclats pop qui permettent à l'album de jouer sur un bel équilibre. En renouant avec son alchimie et sa complicité originelles, Tears for Fears a retrouvé une harmonie aussi inattendue que convaincante.
Olivier Horner
Tears for Fears, "The Tipping Point" (Concord Records).