Alexandrina Victoria (1819-1901), princesse de Kent, nièce du roi Guillaume IV Hanovre, devient Victoria, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande le 20 juin 1837 à l’âge de dix-huit ans. Elle va régner près de soixante-quatre ans.
Son enfance et son adolescence, elle les a passées enfermée dans le palais de Kensington où sa mère l’a tenue volontairement à l’écart du monde dans l’espoir de devenir régente.
La jeune Victoria s’est réfugiée dans le dessin, l’aquarelle et surtout la musique. Elle joue très bien du piano et possède une jolie voix de soprano qu’elle travaille avec la grande basse franco-italienne Luigi Lablache qui fait les beaux jours de l’opéra italien à Londres.
C’est ce dernier qui lui fait aimer la musique de Mozart, particulièrement Don Giovanni, alors qu’elle déclarait: "J’ai bien peur d’être trop moderne pour apprécier Mozart..."
En 1840, elle épouse son cousin germain Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, né en 1819, comme elle. Albert est un prince cultivé, moderne et fin musicien lui-même puisqu’il est pianiste, organiste et même compositeur à ses heures.
Leur union inspire au prince toute une série de lieder fort bien écrits dans la veine romantique germanique où l’on sent l’influence de Schubert et de Mendelssohn, ainsi qu’un duo passionné intitulé "L’amour nous a maintenant réunis".
Pendant les vingt-et-un ans que dure leur union, la musique joue un rôle primordial dans leur vie publique mais aussi privée: Victoria et Albert jouent ensemble du piano à quatre mains, Albert fait découvrir à Victoria le répertoire allemand, ils fréquentent l’opéra italien et les grands concerts, reçoivent des musiciens à Buckingham Palace, y organisent des concerts – le Queen’s Band, sous l’influence d’Albert, s’est transformé en orchestre symphonique et le prince inscrit au programme des œuvres en première audition anglaise comme la grande symphonie en ut majeur de Schubert ou la Passion selon saint Matthieu de Bach - et de grands bals costumés, car la reine adore danser.
Dans chaque résidence royale, Buckingham, Windsor, Balmoral, Osborne House, le palais de style italien construit à la demande d’Albert sur l’île de Wight, et même sur le yacht royal, il y a des pianos, d’excellents instruments, notamment des pianofortes Érard avec le système de double échappement qui permet la répétition rapide d’une même note et va permettre à toute une génération de pianistes virtuoses de briller.
L’édition musicale florissante fournit à la reine et au prince quantité de réductions de symphonies et d’opéras pour piano à quatre mains, Mozart, Beethoven, Schubert, et Mendelssohn, leur compositeur préféré. Le prince Albert s’intéresse également à la musique d’Hector Berlioz, de Giuseppe Verdi et de Richard Wagner, la reine Victoria prend plaisir à écouter les deux derniers, mais elle est nettement moins enthousiaste en ce qui concerne Berlioz, dans la musique duquel elle dit entendre des chiens et des chats....
Bien entendu, le couple royal prend son rôle de mécène très au sérieux et soutient l’Opéra Royal Italien de Haymarket, le théâtre anglais de Drury Lane, les concerts de la Philharmonic Society, certains concerts à bénéfice, et les Concerts de Musique Ancienne dont Albert est le directeur et le programmateur: sa vaste culture musicale et sa grande curiosité lui permettent d’inscrire au programme des œuvres méconnues des 16, 17 et 18e siècle, Gabrieli, Byrd, Purcell, Mozart...
La reine Victoria et le prince Albert s’intéressent également aux compositeurs britanniques et les soutiennent, les encouragent, font jouer certaines de leurs œuvres à la Cour – c’est le cas de William Sterndale Bennett, grand pianiste et compositeur de concertos fort élégants dans lesquels l’influence de son ami et mentor Mendelssohn se fait sentir.
La reine Victoria est le premier souverain britannique à considérer les musiciens autrement que comme des domestiques, et au cours de son règne de 64 ans, elle fera chevaliers pas moins de vingt personnalités musicales anglaises; cela ne s’était jamais fait auparavant et le statut social du musicien va considérablement évoluer grâce à cette reconnaissance royale.
>> A voir également: la reine Victoria est au cœur d’une série qui porte son nom dont les trois premières saisons sont à voir sur Arte.tv. Ci-dessous, un extrait du 3e épisode de la première saison (en anglais)