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Kraftwerk, robot malgré tout

Le groupe allemand Kraftwerk à l'Arena de Genève, dans le cadre du Festival Antigel, le 11 mai 2022. [DR - Aude Hänni/Antigel 2022]
Le groupe allemand Kraftwerk à l'Arena de Genève, dans le cadre du Festival Antigel, le 11 mai 2022. - [DR - Aude Hänni/Antigel 2022]
Reporté à deux reprises en raison de la pandémie, la performance 3D de Kraftwerk a enfin pu se dérouler mercredi soir à l'Arena de Genève dans le cadre du festival Antigel. Les pionniers allemands de la musique électronique y ont livré un show technologique par moments fidèle à ses promesses.

Le concert de Kraftwerk initialement prévu le 19 mai 2020 au coeur de l'amortisseur de bruits de l'aéroport de Genève, en épilogue différé de la dixième édition du festival Antigel, a enfin pu se tenir mercredi soir. Malgré sa relocalisation à l'Arena, le show technologique du groupe emblématique allemand s'est avéré l'espace de quelques instants fidèle à ses promesses visuelles et sonores.

Ce concept de show tridimensionnel pour lequel une paire de lunettes est distribuée à l'entrée a été initié par Krafwerk au MoMa de New York en février 2012, avant de faire halte au Montreux Jazz Festival en juillet 2013. Près de dix ans plus tard à Genève, le principe reste inchangé.

Debout dans des combinaisons quadrillées qu'on jurerait inspirée du film "Tron" derrière leur vaste pupitre où l'on devine un ordinateur portable et des leviers de commande, le quatuor allemand qui a perdu en mai 2020 Florian Schneider-Esleben, cofondateur de l'entité avant-gardiste, pilote impassible sa performance audio-visuelle.

Passé l'effet de surprise, c'est hélas un effet de répétition pénible et ronronnant qui prédomine ensuite. Après une entrée en matière aussi graphique que numérique avec "Numbers" puis "Computer World", avant qu'éclate le rêve de l'homme-machine que Krafwerk appelait de sa voix synthétique dès la fin des années 1970 ("The Man-Machine"), cette pop électronique assistée par ordinateur finit par perdre de son charme rétro-futuriste, malgré la prouesse de la profondeur des images 3D qui défilent entre inspirations constructivistes, naïves, pixellisées ou visuels extraits d'archives.

Des spectateurs avec des lunettes 3D lors du concert du groupe allemand Kraftwerk à l'Arena de Genève, dans le cadre du Festival Antigel, le 11 mai 2022. [DR - Aude Hänni/Antigel 2022]
Des spectateurs avec des lunettes 3D lors du concert du groupe allemand Kraftwerk à l'Arena de Genève, dans le cadre du Festival Antigel, le 11 mai 2022. [DR - Aude Hänni/Antigel 2022]

Humain et machine

A l'image du répertoire de Kraftwerk qui s'est autant nourri de nature que de technologie, de l'humain que du bruit des machines, les films et animations reproduisent l'esthétique de ses albums successifs, renvoyant autant à un imaginaire futuriste qu'aux vestiges d'une époque révolue.

On emprunte ainsi avec les pionniers de l'électronique cette autoroute du temps où la double piste figurait l'idéal de la mobilité généralisée ("Autobahn") ainsi que les mythiques trains du "Trans-Europe Express", on repense à l'avènement de l'ère nucléaire au fil de "Radioactivity" ou à d'emblématiques étapes du "Tour de France" qui voit corps et machine fusionner, tout en se projetant comme eux en humains automatisés ou übermensch dans "The Robots" où le quatuor se voit soudain incarné par des mannequins mécaniques à l'arrière-scène.

Reste que ce shoot technologique diffusant à la fois un vent de conquête et d'anxiété atteint souvent ses limites par la répétitivité de ses gimmicks. Le spectacle de Kraftwerk finit par ressembler à l'assemblage statique d'oeuvres d'art dans un musée d'art moderne, avec ses toiles datées parmi quelques chefs d'oeuvre novateurs. La visite deux heures durant de cette institution s'est révélée agréable, mais ne laissera pas d'impérissables souvenirs.

Olivier Horner

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