"Bamanan" est le premier album de la chanteuse malienne Rokia Koné. De très grande classe, l'album fait mouche et "Kurunba", son single à la rythmique fracassante, possède tous les atouts pour se transformer en ver d'oreille chez les personnes qui auront eu le loisir de l'écouter.
Ce premier opus est la symbiose parfaite entre les compositions maliennes du groupe de celle surnommée la Rose de Bamako et la production électro-rock de Garret "Jacknife" Lee, un ingénieur du son au curriculum vitae affichant U2, R.E.M. et Robbie Williams.
Cette rencontre aussi fructueuse qu'improbable cache une belle histoire de passion retrouvée.
Chanteuse incontournable au Mali
Il y a donc Rokia Koné, une chanteuse incontournable dans son pays, le Mali, mais peu connue du public international, si ce n’est de ceux qui ont découvert le projet "Les amazones d’Afrique" dans lequel elle apparaissait en 2016.
Sa carrière était alors en pleine ascension dans son pays où elle multipliait les prestations dans des cérémonies, des soirées festives, ainsi que dans les fameux maquis, les bars-concerts populaires où de nombreuses stars maliennes ont débuté.
Lorsque le collectif de chanteuses africaines récidive en 2020, la pandémie vient malheureusement freiner leurs efforts. Pour faire vivre malgré tout le projet, le label Real World Records propose un concours de remix.
Un projet de coeur pour Jacknife Lee
Afin de départager les gagnants, l'ingénieur du son Jacknife Lee est engagé. Le producteur irlandais basé en Californie est connu pour le son rock et large dit "stadium" qu’il réussit à donner aux productions de mastodontes de la musique anglo-saxonne. Lui-même guitariste, il est impressionné par le jeu de guitare d’un jeune homme qui accompagne Rokia Koné sur scène.
Après avoir été mis en contact avec le guitariste, il découvre les maquettes de cette chanteuse à la voix impressionnante et décide de lui proposer une collaboration.
A cette époque, Jacknife Lee en a marre d'être appelé encore et encore pour qu’il fournisse, encore et encore, ce même son devenu sa signature. Dans une période de doute, il a du mal à retrouver la passion qui va avec son travail. Ce qu’il lui faut, c’est revenir à des projets de cœur comme celui de Rokia Koné.
Un son qui frappe en douceur
"Les vocaux de Rokia sont toujours quelque part entre la joie et la spiritualité", indique Jacknife Lee à la RTS. Pour cette raison, le producteur a souhaité trouver un équilibre entre de la musique "pour bouger dessus" et quelque chose de plus méditatif.
Pour y parvenir, l'Irlandais a commencé par enlever toute la musique sur les morceaux reçus, pour ne garder que les voix de la Rose de Bamako, avant d'y ajouter qu'une instrumentation essentielle.
Jacknife Lee s'est aussi inspiré du jeu du célèbre batteur nigérian Tony Allen, maître de l'afrobeat avec Fela Kuti dans les années 1970. "Dans la musique, aujourd’hui, on a tendance à accentuer la grosse caisse et la caisse claire. Mais quand j’écoute Tony Allen j’ai envie de danser et pourtant le un et le deux ne sont pas aussi marqués", révèle le producteur.
En n'appuyant pas les deuxièmes et quatrièmes temps, et en plaçant les voix de Rokia Koné au centre, le son de "Bamanan" parvient à frapper en douceur. "L’album de Rokia est probablement un de mes préférés que j’ai réalisés. C’est probablement aussi un des plus difficiles. Mais c’est un album que j’achèterais."
Fait assez étonnant: Rokia et Jacknife Lee ne se sont pas rencontrés ni même parlé avant que le producteur ne s’attaque à l’album. Pourtant, il y a comme une symbiose parfaite entre les styles musicaux diamétralement opposés des deux artistes.
Sujet radio: Michel Ndeze
Adaptation web: Sébastien Blanc
Rokia Koné & Jacknife Lee, "Bamanan" (Real World Records).