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L'odyssée sonore pour piano préparé de Cédric Pescia et Kevin Juillerat

Spot de théâtre vintage sur rideau noir avec fumée [Depositphotos - ©matusciac]
Pescia et Juillerat préparent des pianos / L'Echo des Pavanes / 9 min. / le 14 mai 2022
"Dämmerung", une nouvelle œuvre de près d'une heure pour piano préparé et électronique, composée par Kevin Juillerat pour le pianiste Cédric Pescia, sera jouée deux fois ce vendredi au Théâtre 2.21, à Lausanne, dans le cadre de la saison de concerts Fracanaüm.

Quand, à l'occasion d'une résidence de six mois à Berlin, le compositeur et saxophoniste lausannois Kevin Juillerat s'associe au pianiste suisse de renommée internationale Cédric Pescia, ça donne "Dämmerung (Fünf Sonaten Ohne Interluden)", une création pour piano préparé et électronique à entendre ce vendredi au Théâtre 2.21 à Lausanne.

Cette pièce d'un peu moins d'une heure est une véritable odyssée sonore et dramatique. L'œuvre est une exploration d'un piano inédit, métamorphosée par diverses préparations et prolongée par un dispositif électronique transformant littéralement celui-ci en haut-parleur.

"Dämmerung", un crépuscule à deux

"Dämmerung", c'est le crépuscule en allemand. A la fois celui du soir et du matin, une période de transition. "J'ai écrit ça à Berlin en 2020, c'était une année un petit peu spéciale, donc ce titre représente beaucoup de transitions qui me paraissaient intéressantes", explique Kevin Juillerat à la RTS.

La rencontre entre les deux musiciens suisses remonte à quelques années et le projet "La disparition", un spectacle d'envergure mêlant piano préparé, percussion, jeu d'acteur, projections photographiques et électronique autour du roman "La disparition" de Georges Perec.

Orchestre de percussions et sampler acoustique

C'est à cette occasion que le pianiste Cédric Pescia "initie" Kevin Juillerat au piano préparé, ce piano classique, correctement accordé, mais bardé de chevilles, de gommes, de vis, de pièces de monnaie entre les cordes qui permettent d'avoir des sons complètement différents et de faire de l'instrument une sorte "d'orchestre de percussions, de sampler acoustique", selon le compositeur.

Cédric Pescia est un spécialiste du piano préparé, lui qui joue les pièces de l'américain John Cage, le précurseur de cette technique de jeu, depuis plus de vingt ans. Une longue expérience qui lui a permis d'affiner sa manière de préparer l'instrument. Après "La Disparition", le pianiste manifeste l'envie de se voir écrire une pièce solo par Kevin Juillerat.

Une grande traversée

Un bon timing, car en 2020 le Lausannois obtient une résidence de six mois à Berlin, la ville d'adoption de Cédric Pescia, dans le cadre de l'Atelier de Berlin du canton de Vaud. "J'ai eu ces six mois où j'avais un atelier, j'avais un piano à disposition, j'ai pu faire tous mes essais et travailler en étroite collaboration avec Cédric Pescia. Ça a donné naissance à 'Dämmerung'", indique Kevin Juillerat.

Le piano préparé pour cette grande pièce de cinquante minutes comprend un dispositif électronique logé à l'intérieur de l'instrument. Une façon d'aller plus loin que John Cage dans cette augmentation du piano: "J'avais envie de le métamorphoser encore plus. C'est une électronique très fine, qui est toujours un peu en ombre, qui va prolonger les sons du piano, qu'on entend parfois à peine", relève Kevin Juillerat.

Du côté de l'œuvre, le compositeur la décrit comme une grande traversée initiée par des sons très éloignés du piano, "des sons extrêmement percussifs, qui n'ont aucune hauteur" et qui, progressivement au fil de la pièce retournent, à la fin, vers quelques notes qui ne sont pas préparées. "Quelques", car sur les huitante-huit notes de ce piano préparé, il n'en reste de "naturelles" qu'une vingtaine.

Propos recueillis par Benoît Perrier

Adaptation web: Sébastien Blanc

Cédric Pescia, "Dämmerung (Fünf Sonaten Ohne Interluden)", de Kevin Juillerat, le 20 mai 2022 au Théâtre 2.21 à Lausanne.

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