Sur "Radio Londres", Axel Bauer évoque ses racines et la résistance

Axel Bauer interroge le sens du mot "résistance" en convoquant le souvenir de son père, l'une des voix de Radio Londres, dans son nouvel album: "Juste un même en colère parti pour l'Angleterre sur un vieux cargo rouillé", chante ainsi l'artiste français révélé par ses tubes "Cargo de nuit" (1983) et "Eteins la lumière" (1992).

Franck Bauer a été le dernier speaker survivant de Radio Londres avant sa disparition à l'âge de 99 ans en 2018. C'est lui qui a largement inspiré le nom de cet opus, "Radio Londres", ainsi que deux titres intitulés "Ici Londres" et "Le jour s'enfuit". On entend d'ailleurs la voix du père d'Axel Bauer au début et à la fin d'"Ici Londres".

Franck Bauer a raconté tardivement à son fils l'époque de Radio Londres, lorsqu'il avait 22 ans, en lui parlant des bombardements, de la résistance, explique à la RTS le chanteur. Il a ensuite fait appel au parolier Boris Bergman, qui a travaillé avec Alain Bashung, pour confectionner le texte de ce morceau ouvrant ce disque qui oscille entre une trame acoustique et des éclairs électriques.

Franck Bauer, personnage "aux mille vies"

"Mon père a été le point d'ancrage de cet album qui est né en réalité au fil des années. Il m'avait détaillé entre autres comment il modulait sa voix, forçait son médium pour passer au-dessus du brouillage des Allemands. Et parallèlement j'ai enregistré sa voix qu'on entend sur la chanson".

Personnage "aux mille vies", Franck Bauer a aussi fait l'objet d'une autobiographie sous-titrée "40 à Londres: l'espion qui venait du jazz": "Mon père a fait mille travaux, c'était une sorte de touche-à-tout. Il a été secrétaire général de la Comédie-Française, correspondant de guerre, espion, speaker, organisateur de concerts, professeur à l'Université de la Sorbonne, batteur au côté du guitariste jazz Django Reinhardt et même inventeur d'une machine qui faisait des photos dans les assiettes en polymérisant la résine", détaille Axel Bauer.

Figure méconnue de la France Libre, Franck Bauer était ainsi parti aux Etats-Unis pour y espionner les relais du régime de Vichy le jour et fréquenter les clubs de jazz la nuit. Après la Libération, Franck Bauer travailla comme reporter de guerre aux Nouvelles du matin, puis à l'AFP (Agence France Presse), et entra au ministère de la Culture.

L'importance des Who pour Axel Bauer

C'est le père d'Axel Bauer qui a participé à sa formation musicale, en lui offrant notamment un disque des Who quand il avait 13 ans et un billet pour leur concert, tandis que sa mère lui offre sa première guitare. Le chanteur anglais Roger Daltrey, membre fondateur des Who, adaptera d'ailleurs le fameux "Cargo de nuit" du Français dans "Take Me Home" en 1987. "Je l'ai rencontré sur un plateau de télévision en Belgique en 1984. Il avait perdu sa guitare et lui ai prêté la mienne. Roger Daltrey était resté pour voir ce que je faisais et il avait flashé sur 'Cargo de nuit' qu'il a ensuite repris. Cela a été encore plus symbolique pour moi puisque le concert des Who que j'avais vu jeune m'avait transformé et m'avait décidé à devenir guitariste dans la vie. C'est comme si spirituellement il m'avait donné sa permission", commente Axel Bauer.

"Radio Londres" aborde par ailleurs le thème de la résistance face à l'ennemi intérieur, une tumeur maligne combattue par le chanteur sexagénaire, évoquée avec une sensible distance dans "C'est malin". Un titre écrit par ses soins qui évoque la perte d'un sentiment d'invincibilité. L'album est complété par deux reprises, "Est-ce ainsi que les hommes vivent" de Léo Ferré d'après un poème de Louis Aragon, et "A qui n'a pas aimé" de Gérard Manset

Propos recueillis par Anne Laure Gannac

Adaptation web: olhor

Axel Bauer, "Radio Londres" (Label Fontana).

Axel Bauer en concert aux Francomanias de Bulle, le 2 septembre 2022.