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A Festi'neuch, le sabordage rock'n'roll de Fontaines D.C.

Le groupe irlandais Fontaines D.C. à Festi'neuch, le 10 juin 2022. [Festi'neuch 2022 - Albin Tissier]
Le groupe irlandais Fontaines D.C. à Festi'neuch, le 10 juin 2022. - [Festi'neuch 2022 - Albin Tissier]
Vendredi soir à Festi'neuch, le rock abrasif des Irlandais très attendus de Fontaines D.C. est décédé vingt minutes avant le terme du concert. Avant cela, les Romandes Emilie Zoé et Baby Volcano, ainsi que la tête d'affiche française Clara Luciani se sont distinguées en guerrières pop-rock et électro de caractère.

Avec leurs comparses anglais Idles, Fontaines D.C. avaient contribué à réveiller le rock outre-Manche voilà quatre ans. A Neuchâtel vendredi, au deuxième soir de Festi'neuch, les Irlandais l'ont scéniquement anesthésié avant l'heure avec un sabordage dans les règles de l'art du rock'n'roll circus.

Après quarante minutes d'un concert où leur répertoire tour à tour sec et lancinant puisant ses racines dans le post-punk, le guitariste fracasse soudain son instrument sur la scène du Lacustre. Stupeur au sein du public comme du groupe, qui quitte prématurément les planches pour ne plus revenir. Sans aucune explication. Croisé un peu plus tard, le chanteur Grian Chatten lâche juste un laconique: "I Will Tell You Tomorrow". Mais demain ne changera rien à ce gâchis pour lequel le management de la formation n'aura pas davantage de réponse.

Tout avait pourtant assez bien débuté, avec quelques morceaux de bravoure entre noirceur et éclats mélodiques délivré par un quintet enchaînant les titres diablement efficaces de leurs trois premiers albums. Au moment de lâcher l'affaire, devant son nom inscrit en lettrines vertes, blanches et rouges, Fontaines D.C. avait révélé son talent dans une forme d'urgence rock avec "Sha, Sha, Sha", "I Don't Belong", "Televised Mind" et le fatal et incandescent "Too Real" sur lequel il s'est sabordé.

Plus tôt dans la soirée, trois guerrières plus vaillantes et féministes se sont heureusement distinguées. Chacune à leur manière rock, pop ou par une électro infusée avec du hip-hop et des musiques latines, la Neuchâteloise Emilie Zoé et la Jurassienne Baby Volcano ainsi que la Française Clara Luciani ont fait preuve de caractère et de prestations abouties.

>> A voir aussi: l'émission "Ramdam" et les interviews d'artistes réalisées durant Festi'neuch :

En direct depuis Festi'neuch
En direct depuis Festi'neuch / Ramdam / 65 min. / le 10 juin 2022

Clara Luciani, princesse disco-pop

Dans une formule en tandem rock compacte avec son nouveau batteur Fred Bürki, Emilie Zoé achève une apparition intense avec "Roses on Fire" et l'inédit "Castle" après quelques incursions plus acoustiques, mid tempo et mélancoliques où l'androgynie de sa voix fait merveille.

Peu après, sous le chapiteau principal plein à craquer du festival, Clara Luciani entame en tête d'affiche prisée son show avec "Coeur" puis "Amour toujours". Au son d'un cœur battant et sous son nom en grosses lettrines qui s'affichent d'abord en relief, l'élégante et longiligne chanteuse française apparaît dans un chemisier cache-coeur en lamé argenté et pantalon noir au côté d'un batteur, d'un bassiste et d'un clavier juchés sur des estrades, d'un guitariste et de trois choristes.

Le charme de sa pop mélodique teintée récemment de grands zestes de disco opère désormais auprès de tous les publics et la récente lauréate de deux Victoires de la musique achève d'emporter l'adhésion avec le tube imparable et féministe qui l'a révélée, "La grenade", suivi de l'ode irrésistible au déhanchement qu'est "Respire encore", tube de son deuxième album cette fois.

Lorena Stadelmann, la chanteuse et performeuse de Baby Volcano à Festi'neuch, le 10 juin 2022. [Festi'neuch 2022 - Adèle Löffler]
Lorena Stadelmann, la chanteuse et performeuse de Baby Volcano à Festi'neuch, le 10 juin 2022. [Festi'neuch 2022 - Adèle Löffler]

L'électro sanguine de Baby Volcano

A l'autre extrémité du site du festival, sur la scène de La Marée, Baby Volcano a joué pendant ce temps les ensorceleuses entre chants habités, performance de danse contemporaine et beats tribaux électroniques mâtinés de sonorités hip-hop latino et de trap. Sur des textes engagés délivrés en espagnol et français évoquant les parties de son corps, la chanteuse jurassienne Lorena Stadelmann aux origines guatémaltèque lâche prise et expérimente en bleu de travail.

Avant d'enlever le haut et de laisser apparaître des adhésifs rouges sur ses seins et des traces de sang coulant du cou à la poitrine, faisant ainsi écho aux thématiques des chansons rassemblées sur le mini-album "Síndrome Premenstrual" enregistré avec les producteurs électro Josué Salomon et Louis Riondel encapuchés. Décapant.

Olivier Horner

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Yard Act, promesse pop anglaise

Ce sont des Anglais de Leeds à la verve acide et dans la lignée de Idles, Working Men's Club ou Fontaines D.C. qui ont clos Festi'neuch dans la nuit de vendredi à samedi. Emmené par le chanteur James Smith, allure de gendre idéal, et le bassiste plus rock'n'roll Ryan Needham, Yard Act a présenté sur la scène de La Marée le fruit déjà relativement mûr de son premier album pop-rock paru en début d'année, "Overload".

C'est d'ailleurs avec la chanson-titre évoquant "la surcharge du mécontentement" britannique que le quatuor débute une prestation qui a mis un peu de temps à décoller, la faute à une entame plutôt monocorde où la voix de James Smith peine à trouver un allant éclatant. Jusqu'à ce que "Human Sacrifice" à mi-parcours ne vienne enfin projeter ce jeune groupe dans une autre dimension grâce à une cohésion musicale et un groove minimaliste enfin trouvés.

Le groupe anglais Yard Act à Festi'neuch, le 10 juin 2022. [Festi'neuch 2022 - Adèle Löffler]
Le groupe anglais Yard Act à Festi'neuch, le 10 juin 2022. [Festi'neuch 2022 - Adèle Löffler]

James Smith parvient alors à se muer en acteur et conteur sarcastique avec son accent du nord anglais, raillant  le capitalisme - suisse entre autres- quand bien même son groupe est signé sur une major du disque ("Payday") ou se moquant des partisans du Brexit ("Fixer Up") et d'un passéisme de la pas si perfide Albion ("Dead Horse") avec quelques inflexions funks et post-punk.

Le chanteur finit par servir quelques rasades d'alcool au public tout en livrant un petit discours existentialiste en guise d'épilogue, avant que la formation rejoue impérieusement  cette fois le dansant "Overload", qui rappelle en creux les belles heures de la britpop de Blur et distille le goût amer d'un houblon dégusté au pub. Promesse enfin tenue.