Difficultés d'approvisionnement, ruptures de stock, manque de personnel qualifié: la reprise des festivals d'été en Suisse a un petit goût de gueule de bois pour les organisateurs.
Ainsi, pour Thierry Genard, responsable technique du Caribana festival à Crans-près-Céligny (VD) depuis quinze ans, la préparation de l'édition 2022 a été particulièrement éprouvante. "Cela a été très compliqué de trouver des prestataires qualifiés, capables de monter des structures à l'extérieur", a-t-il expliqué dimanche dans l'émission "Mise au point".
Début février, en raison d'un problème technique avec l'un de ses fournisseurs, le festival n'avait toujours pas de grande scène. Thierry Genard a donc finalement dû se tourner vers l'étranger pour trouver une solution d'urgence. En trente ans d'existence, la direction de la manifestation vaudoise n'avait jamais connu de tels imprévus.
Dépendance de l'étranger
Et le Caribana n'est pas le seul festival à connaître des difficultés pour trouver son matériel technique. En Valais, le directeur du festival Sion sous les étoiles Michael Drieberg a également connu quelques sueurs froides. Pour un concert, il n'a eu d'autres choix que de s'approvisionner en Inde pour son matériel sonore.
Car environ 80% du matériel scénique vient désormais de l'étranger, une dépendance qui fait exploser le budget. Le directeur évalue à environ 20% le surcoût occasionné pour son festival. "Comme on ne peut pas augmenter le prix des billets de 20%, cela se répercute sur notre marge", confie-t-il.
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Pénurie de personnel qualifié
A Meyrin (GE), l'entreprise Skynight est le plus grand fournisseur de matériel audiovisuel de Suisse romande. Si son directeur Nicolas Walser est soulagé d'avoir repris son activité, il aurait préféré que tout ne recommence pas au même moment. "En 2022, tout le monde est en rupture de stock; en 2019, on pouvait encore se retourner vers un autre fournisseur."
Aux difficultés d'approvisionnement s'ajoute la problématique du manque de personnel qualifié. Chez Skynight, un employé sur cinq n'est pas revenu après la pandémie et a quitté le domaine de l'événementiel pour se reconvertir dans une autre voie. "Ils ont découvert à quel point il était agréable d'avoir ses week-ends de libre, de ne pas travailler la nuit et de pouvoir profiter de sa famille", souligne Nicolas Walser.
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L'impact de la guerre en Ukraine
A Nyon, le Paléo, géant des festivals romands, n'est pas non plus épargné par les aléas de l'actualité. En raison du conflit ukrainien, le festival peine à s'approvisionner en containers pour les toilettes et les douches. "Ils ont été réquisitionnés dans toute l'Europe pour les centres d'accueil de réfugiés ukrainiens", explique Mario Fossati, secrétaire général du festival nyonnais.
Le problème est identique pour les talkies-walkies, qui sont utilisés par les équipes chargées de la sécurité et de la technique pour se coordonner pendant l'événement. "Heureusement que l'on s’est pris à l’avance, car aujourd'hui toutes les radios sont parties sur le front."
Le manque de bénévoles
Dans le canton de Fribourg, le Festi’cheyres, festival gratuit et 100% bénévole, peine également à recruter des volontaires. Une difficulté qui préoccupe sa présidente Laetitia Brodard. Car ce sont les consommations qui constituent la rentrée d'argent principale du festival. "Or, moins il y a de bénévoles, moins les gens sont servis et moins on gagne d’argent."
Pour convaincre plus facilement les bénévoles, certains festivals n'hésitent pas à offrir t-shirts, entrées et consommations gratuites. C'est notamment la stratégie choisie par le Caribana festival. Une stratégie qui semble porter ses fruits puisque les nouveaux bénévoles représentent cette année près d’un quart des effectifs, soit deux fois plus que d’habitude.
Un pseudo "retour à la normale"
En Suisse romande, le Montreux Jazz Festival est l'un des rares grands festivals à avoir pu ouvrir ses portes en 2021, dans une version toutefois réduite. Et remonter sur scène, au milieu des vagues Covid, n'a pas été évident, confie son directeur, Mathieu Jaton, aussi interrogé dans "Mise au point".
"Beaucoup de choses ont changé durant cette période post-Covid, que ce soit au niveau des coûts ou de l'approvisionnement en matériel". Parmi le matériel compliqué à dénicher, le bois figure en tête. "Son prix a pratiquement doublé", souligne Mathieu Jaton, pour qui le manque de personnel reste toutefois l'une des problématiques les plus importantes pour les organisateurs de festivals.
Le Vaudois préfère d'ailleurs jouer la carte de la prudence et parler de "retour à la pseudo-normale. On parle souvent de retour à la normale mais cela n'est pas tout à fait le cas, la pandémie n'est pas complètement derrière nous."
Sujet TV: Micaela Mumenthaler
Texte web: Hélène Krähenbühl