Joseph Tarradellas, professeur honoraire à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), anciennement professeur de chimie de l'environnement et en écotoxicologie, est aussi passionné de musique, une thématique autour de laquelle il a écrit un livre intitulé "Le son suisse: une excellence mondiale". "Le son suisse est connu dans le monde entier, mais il est moins connu en Suisse", explique Joseph Tarradellas à la RTS.
Pour l'auteur, un bon son est d'abord un son naturel, un son qui n'est pas trafiqué, dans lequel il n'y a pas trop de basses, pas trop d'aigus. "Un son dans lequel la dynamique est correcte. C'est un son simple, naturel."
Un beau son, c'est un son qui transporte tout.
Joseph Tarradellas est passionné de son depuis l'enfance. A 16 ans déjà, par amour de la musique, il construit sa première chaîne hi-fi. "Je ne sais pas si maintenant je pourrais la qualifier de 'haute fidélité', mais à l'époque je pensais que c'en était une", précise-t-il en riant. "C'était une époque où les revues musicales donnaient des schémas, un peu comme IKEA maintenant."
La tradition suisse du son
Pour entendre du son, il a fallu attendre l'invention du phonographe, premier appareil homologué d'enregistrement du son, de l'Américain Thomas Edison en 1877. "L'idée de graver le son a traversé l'esprit de beaucoup de gens. La différence avec Edison, c'est qu'il était un rapace, un businessman. Lui, il l'a réalisé. Il l'a fait construire par son mécanicien qui était un Appenzellois", explique Joseph Tarradellas. C'est le début d'une longue tradition helvétique du son. L'entreprise jurassienne Paillard, qui fabriquait des boîtes à musique, se lance dans l'enregistrement. "C'est tout à fait logique. D'un point de vue technique, il n'y a pas une grande différence", dit-il.
A la fin du XIXe siècle, Sainte-Croix (VD) devient un haut lieu de la fabrication de l'enregistrement sonore. Une quinzaine d'ateliers de visionnaires se lancent dans la course avec une qualité inégalée grâce à des années d'expérience dans les boîtes à musique. Autre invention helvétique, dans les années 1980, le Suisse Walter Schüpbach invente le Stereolith, une petite enceinte en forme de pyramide "parfaitement adaptée à une écoute chez soi", précise Joseph Tarradellas.
Aujourd'hui, énormément d'entreprises en Suisse continuent de nourrir cet héritage pour le bon son. "J'en ai compté trente-huit pour l'instant, mais il y en a peut-être qui sont passées sous les radars. Stenheim est une des entreprises importantes dans ce que l'on appelle la haute fidélité ultime", ajoute Joseph Tarradellas. Mais le bon son a un prix: en entrée de gamme chez Stenheim, il faut tout de même compter trente mille francs.
Les messages subtils du son
Ecouter un son de qualité permet aussi et surtout de percevoir certaines subtilités parfois méconnues de celles et ceux qui ignoreraient ce qu'est un son de haute qualité. Joseph Tarradellas évoque à ce sujet le dernier album de Stromae, "Multitude": "Dans la chanson extraordinaire qui s'appelle 'L'enfer', la prise de son est très subtile. C'est magnifique parce qu'il [Stromae] veut suggérer des choses très délicates, la tendance au suicide, et, à un moment donné, dans le deuxième couplet, il y a quelques mesures où il décale légèrement sa voix. L'idée, c'est de donner l'impression du risque de schizophrénie. Mais c'est très subtil. Si vous ne l'écoutez pas sur un appareil de bonne qualité, vous ne vous en apercevez pas".
Pour Joseph Tarradellas, les petits écouteurs font bien l'affaire pour écouter de la musique dans le bus ou le train. En revanche, selon lui, on ne perd pas seulement en qualité sonore en écoutant du son de basse qualité, mais parfois aussi les messages et toute la profondeur d'artistes exceptionnels.
Propos recueillis par Sarah Dirren
Adapation web: Lara Donnet
"Le son suisse: une excellence mondiale" de Joseph Tarradellas, paru dans la collection "Savoir suisse" de l'EPFL
Marie Laeng, une femme dans l'univers du son
Dans le monde de l'industrie sonore, une entreprise tire son épingle du jeu en proposant du son de haute qualité à un prix accessible. Il s'agit de Lenco, une entreprise créée après le tumulte de la Deuxième Guerre mondiale et pilotée par Marie Laeng et son mari Fritz.
"C'est elle qui a été l'âme qui a lancé la société, qui a eu l'idée au départ de se mettre d'accord avec Ex Libris pour vendre des appareils de qualité. [...] ça a été une grande capitaine d'entreprise. Ce qui me chagrine, c'est qu'elle n'est pas reconnue. Au siège de Lenco, j'ai cherché. Il n'existe nulle part une place, une rue ou un endroit Marie Laeng", se désole Joseph Tarradellas.