Le 18 juillet, le groupe Lauwarm, dont le répertoire va du reggae à la world music avec des paroles en dialecte suisse allemand, n'est pas remonté sur scène après l'entracte du concert qu'il donnait à la Brasserie Lorraine de Berne.
La raison: plusieurs personnes dans le public se sont senties "mal à l'aise" de voir les membres d'un groupe blanc porter des dreadlocks et des vêtements africains et jouer de la musique reggae. Ils ont dénoncé une appropriation culturelle.
Un sujet complexe
La Brasserie Lorraine, organisatrice de l'événement, a dû essuyer depuis de sévères critiques. Mardi soir, elle a mis en ligne un communiqué sur les réseaux sociaux et s'est dite surprise par l'ampleur de la vague provoquée par l'incident du 18 juillet.
"Nous ne prétendons pas avoir fait ce qu'il fallait en interrompant le concert. Mais le fait de le laisser se poursuivre aurait également été mal perçu. Nous pourrions aussi dire que nous avons été dépassés", écrit-elle dans le communiqué.
Selon les responsables, le sujet est extrêmement complexe et ne devrait pas se limiter à des questions simplistes telles que "qui peut porter quelles robes et quelles coiffures". Ils souhaitent désormais mener une discussion "qui produise une analyse propre, et veulent aller plus loin en incluant dans la discussion les conséquences que le colonialisme a laissées derrière lui".
Les critiques doivent sortir de l'ombre
Interrompre le concert n'a "clairement pas été agréable", a déclaré l'un des membres du groupe Lauwarm au Blick. "Les personnes qui ont émis des critiques ne sont surtout pas venues vers nous. Le groupe continuera comme avant. Nous sommes convaincus de ce que nous faisons et nous y prenons plaisir."
Le groupe espère "que nous nous respectons mutuellement" et que chacun ne défend pas uniquement sa culture. Après tout, on vit dans un monde multiculturel, ce qui est enrichissant.
D'autres artistes, comme le chanteur de soul Seven, se sont également exprimés sur l'incident. Il attend des personnes qui ont demandé d'interrompre le concert de se manifester. "Qui es-tu? Qu'est-ce qui t'a dérangé? C'est important, car je devrais peut-être aussi arrêter la soul et les rappeurs blancs également cesser de rapper", a posté le chanteur suisse sur Twitter.
Plainte pénale en cours
Le débat sur l'appropriation culturelle n'est pas nouveau, mais il est actuellement très vif en de nombreux endroits. "Venu des Etats-Unis, il est désormais arrivé à Berne et ne disparaîtra pas de sitôt, même s'il semble un peu grotesque dans le contexte local", écrit la nouvelle rédactrice en chef du quotidien "Der Bund", Isabelle Jacobi, dans une analyse.
Et l'affaire aura une suite judiciaire puisque les Jeunes UDC Suisse ont annoncé jeudi sur Twitter qu'ils allaient porter plainte contre l'établissement pour infraction à la norme pénale antiraciste.
Autre cas en Allemagne
Les médias étrangers, notamment allemands comme "Der Spiegel" ou "Focus", ont également rapporté l'incident de Berne. Un cas similaire s'est produit il y a quelques mois en Allemagne, lorsque la musicienne blanche Ronja Maltzahn a été exclue d'un concert qui aurait dû avoir lieu dans le cadre d'une manifestation organisée par les jeunes pour le climat.
Les militants de Fridays for Future (FFF) ont justifié cette annulation par la coiffure de la chanteuse. Les dreadlocks sont devenues aux Etats-Unis un symbole de résistance du mouvement des droits civiques des personnes noires. "Ainsi, lorsqu'une personne blanche porte des dreadlocks, il s'agit d'une appropriation culturelle, car en tant que personnes blanches, nous n'avons pas à faire face à l'histoire ou au traumatisme collectif de l'oppression en raison de nos privilèges", avaient écrit les défenseurs du climat.
ats/aq