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"Le monde réel" de Dominique A, entre anxiété et sérénité

Le chanteur français Dominique A. [Cinq7 - Jérôme Bonnet]
"Le monde réel" de Dominique A, entre anxiété et sérénité / Vertigo / 9 min. / le 20 septembre 2022
Après avoir publié le minimaliste "Vie étrange" entre deux confinements, Dominique A revient avec le maximaliste "Monde réel". Un quatorzième album très orchestré conçu de manière collective durant près d’un mois au prestigieux studio-manoir de La Frette, non loin de Paris.

Le nouvel album de Dominique A a été imaginé avec la complicité du producteur Yann Arnaud, qui a travaillé avec des artistes comme Air et Syd Matters ou sur la bande originelle d’"Annette" de Leos Carax. Il a été élaboré vingt-cinq jours durant au prestigieux studio-manoir de La Frette, où Nick Cave ou Marianne Faithfull ont précédé le chanteur français.

Ce "Monde réel" du Nantais séduit d'emblée par la place laissée à sa voix, mixée très en avant et qui s'avère encore plus lyrique, ainsi que par le soin particulier apporté aux climats instrumentaux acoustiques, très subtils et aériens, dessinés par cinq musiciens aguerris.

"Je ne refuse plus l'époque dans mes chansons"

Trente ans après "La Fossette", enregistrement culte qui a révélé Dominique A, ce quatorzième disque composé de dix titres impressionne surtout par son pouvoir évocateur. Il comporte beaucoup de références à la nature, avec un lexique des plus organiques, en parallèle à des récits plus intimes et introspectifs - notamment autour de souvenirs d’enfance ("La maison", "Le manteau retourné de l'enfance").

Les premiers morceaux de "Monde réel", dont "Dernier appel de la forêt" et "Les roches", vont même jusqu’à évoquer les périls climatiques. Une thématique plutôt surprenante dans le répertoire de Dominique A, généralement peu tributaire des soubresauts contemporains.

"Ce sont les thèmes qui se sont emparés de moi plutôt que moi qui me suis emparé d'eux... Je ne refuse plus l'époque dans mes chansons, qu'elle vienne se greffer sur la création, l'écriture. Jusqu'ici j'ai sciemment cherché à la mettre de côté, avec ce présupposé que si on injecte l'époque dans ce qu'on crée artistiquement, l'époque parasite totalement la création et vient donner immédiatement à ce que vous êtes en train de faire une date de péremption. C'est une idée comme une autre, qui a une part de vérité et d'imbécillité puisque par essence toute création est datée et rattachée à son époque", explique à la RTS Dominique A.

"Je ne me vois pas chanter sur l'amour aujourd'hui"

Après avoir embelli les incertitudes liées à la période morose de la crise sanitaire dans "Vie étrange", la préoccupation écologique lui permet d'aborder poétiquement les blessures béantes de la Terre. "Il n'y avait par contre pas l'idée d'élaborer un album concept autour de ces thèmes-là, mais de fil en aiguille on se retrouve avec des thématiques croisées qui délivrent une certaine vision du monde. Quand bien même je m'en défendrais, elle apparaît au final. La première moitié du disque évoque ainsi une communauté de destin et la seconde part sur un registre plus intime avec l'apparition d'un narrateur qui raconte son histoire, avec une part de fiction, plus personnelle".

Le chanteur, qui publie parallèlement son premier recueil de poésie intitulé "Le présent impossible" (éditions L’iconoclaste) a également évacué du "Monde réel" la dimension sentimentale qui a pour habitude d'infuser son répertoire. "Il me semble que mon humeur actuelle fait que je ne me vois pas chanter sur l'amour aujourd'hui: j'ai en moi, comme beaucoup de gens, une certaine dose d'inquiétudes. Les chansons me permettent de les évacuer aujourd'hui".

Olivier Horner

Dominique A, "Le monde réel" (Cinq7).

Dominique A en concert à l'Octogone, Pully (VD) le 16 décembre.

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