Nick Cave et Warren Ellis, tandem rock pour salles obscures

Pour les deux rock stars Nick Cave et Warren Ellis, cette carrière au cinéma et à la télévision est devenue une activité à part entière. En vingt ans, elle a bien évolué, dans son style comme dans ses méthodes.

Sortie il y a trente ans, la chanson "Red Right Hand" de Nick Cave est devenue indissociable de "Peaky Blinders", une série télévisée qui partage plusieurs points communs avec les thématiques chères au chanteur: des personnages violents à la "boussole morale" déréglée, de la corruption ou encore des affrontements entre communautés religieuses.

Influences gothiques

Pour illustrer musicalement cet univers, les producteurs de la série ont puisé dans le répertoire du célèbre rockeur australien réputé pour ses influences gothiques, sa dégaine de prédicateur et ses textes pétris de références bibliques. Un artiste et une œuvre qui intéressaient déjà le cinéma et la télévision bien avant. On se souvient par exemple de la mémorable apparition de Nick Cave et de son groupe les Bad Seeds dans le film de Wim Wenders "Les ailes du désir". Lors d’une scène devenue célèbre, le personnage incarné par Bruno Ganz assistait à un concert des Bad Seeds dans le Berlin underground.

Si bon nombre de ses chansons se sont retrouvées dans les bandes sonores de films ou de séries, Nick Cave a attendu plusieurs années avant de s’intéresser lui-même à la composition pour l’image. Sa rencontre avec le réalisateur néo-zélandais John Hillcoat l’incite, dès la fin des années 1980, à écrire ses premières bandes originales.

De solo à duo

Dans son activité au cinéma, l'étape suivante pour Nick Cave est le début de sa collaboration avec Warren Ellis. Ce multi-intrumentiste australien aux allures de barde malicieux, également compositeur de talent, a rejoint la formation de Nick Cave en 1993 puis s’affirme au côté du leader du groupe, jusqu’à devenir son véritable alter ego dans le courant des années 2000.

À l’écran, les premières musiques du duo sont réservées aux films des réalisateurs John Hillcoat et Andrew Dominik, parmi lesquels "La proposition", "La route", "Des hommes sans loi" et "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford". Des longs métrages qui puisent dans les genres du road movie et du western, et qui inspirent à Nick Cave et Warren Ellis des compositions influencées par les musiques traditionnelles nord-américaines.

La douleur et le deuil

En 2015, Nick Cave perd un de ses enfants dans un tragique accident. Cet événement a un impact considérable sur la suite de sa carrière et de sa production artistique. Les liens de Nick Cave avec Warren Ellis se resserrent et celui-ci rejoint la garde rapprochée du chanteur.

C’est l’époque des disques "Skeleton Tree" et "Ghosteen", traversés de part en part par la douleur et le deuil. En parallèle de ces albums, Nick Cave et Warren Ellis diversifient leurs incursions au cinéma et abandonnent progressivement les atmosphères country et folk qui constituaient le socle des premières bandes originales. Leur musique évolue vers des formes plus épurées, flirte avec l’ambient, se débarrasse aussi des orchestrations superflues. On le constate dans les compositions de la série documentaire "Mars".

Frénésie artistique

Après le succès de "Comancheria" de David McKenzie en 2016, le rythme de travail des deux artistes s’accélère encore. Ils multiplient les projets et prennent un tournant orchestral qui fait la part belle aux cordes arrangées par Warren Ellis et aux vocalises de Nick Cave. Leurs compositions illustrent des films à contre-courant de la frénésie hollywoodienne comme "Wind River" de Taylor Sheridan ou le documentaire "La panthère des neiges" de Marie Amiguet et Vincent Munier.

De nouvelles sonorités

En 2022, "La panthère des neiges" remporte un franc succès en salles. Nick Cave et Warren Ellis sont plus productifs que jamais. On les retrouve aujourd'hui sur la série Netflix "Dahmer – Monstre: L'histoire de Jeffrey Dahmer" et sur le nouveau long métrage de Andrew Dominik, "Blonde", biopic consacré à l’icône Marilyn Monroe. Sur ce film à l’esthétique plus contemporaine que rétro, Nick Cave et Warren Ellis privilégient les sonorités électroniques et n’hésitent pas à reprendre des arrangements de leur dernier album en commun, le surprenant "Carnage".

Les frontières entre bandes originales et disques en studio ont disparu, le travail s’est enrichi de part et d’autre jusqu’à se confondre. "Blonde" consacre la nouvelle méthode du duo Nick Cave - Warren Ellis qui exploite désormais tous les supports possibles pour expérimenter et diffuser le fruit d’une créativité qu’on dirait sans limites.

Pascal Knoerr/mh