Il s’est volontairement mis en retrait médiatiquement, remis en question aussi avant de connaître le syndrome de la page blanche. Mais si Lomepal a eu de la peine à accoucher de ce nouvel album, le résultat en vaut pourtant le détour.
Déclenchée par une phrase, "J’ai peur de devenir l’image que je renvoie", l’écriture de "Mauvais ordre" va finir par creuser habilement les questions d’identité et d’apparence, ainsi que les doutes. En introduisant clairement un personnage fictif pour affirmer le registre non autobiographique du répertoire: "L'interlude 'Skit il' au milieu du disque, qui est un extrait d'une discussion avec un ami à moi, me permet d'indiquer et de mettre un coup de tampon pour dire que c'est officiellement un album qui ne raconte pas ma vie", indique à la RTS Lomepal.
Déni, faux-semblants et doutes
Au fil de ces quinze morceaux tourmentés qui accueillent une instrumentation acoustique et électrique inédite, avec notamment un recours abondant à l'orgue qu'on retrouve plutôt dans les albums de rock des années 1970, Lomepal évoque en autant de chapitres non chronologiques les troubles existentiels d’un trentenaire en quête de nouvelles perspectives.
De nouveaux horizons qui ont été freinés un temps par la pandémie, comme il l’explique: "Cela m'a pas aidé et a asséché mon inspiration, comme pour beaucoup d'artistes sans doute (...) Il a fallu attendre que la machine se remette en route, comme le monde, pour réécrire".
La quête identitaire chapitre "Mauvais ordre" en introduisant différents points de vue, tour à tour mélancoliques ou sentimentaux. A l'image du déni ("A peu près"), des faux-semblants et des extrêmes ("Etna"), des doutes ("Maladie moderne" et sa phrase d'incertitude révélatrice indiquant "Je suis à peu près sûr d’être à peu près quelqu’un de solide") ou des désirs ("Crystal").
Palette sonore élargie
Un sens des nuances et une sensibilité qui déteignent aussi sur les compositions qui mettent en sourdine les séquenceurs pour privilégier la chaleur des instruments. En féru de rock et des Beatles, Lomepal élargit ainsi aussi brillamment sa palette sonore sur ce "Mauvais ordre" où l'on croise aussi lexicalement John Lennon, Cindy Lauper et, plus incongru, Nicoletta.
Le rappeur Lomepal chante également plus abondamment au fil de titres qui, dans leur forme et format, sont de plus en plus proches de la chanson. "On me disait déjà ça à l'époque de 'Jeannine' et on me catégorisait déjà moins comme rappeur. Je m'en fous en réalité mais je crois que j'écris par contre toujours comme un rappeur, parce que c'est ainsi que j'ai appris à écrire et que ça ne changera sans doute pas. Cela structure mes placements de rimes et morceaux mais si j'ai envie de chanter, je le fais. Je ne me mets aucune barrière", détaille Lomepal.
Olivier Horner
Lomepal, "Mauvais ordre" (Pinéale).
Lomepal en concert à l’Arena, Genève, le 25 février 2023.