La nouvelle est tombée le 1er décembre: le raï algérien est désormais inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l'Unesco, l'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Moyen de véhiculer la réalité sociale sans tabou, ni censure, le raï aborde des thèmes tels que l'amour, la liberté, le désespoir et la lutte contre les pressions sociales.
Le raï naît dans les campagnes de la région d'Oran, en Algérie, dans les années 1930. A l'époque, ce sont les doyens des villages qui chantent des textes poétiques en arabe vernaculaire, accompagnés d'un orchestre traditionnel. Ce courant musical s'impose progressivement au niveau national, lors des rituels et des mariages.
Un essor fulgurant
C'est au milieu des années 1980 que le raï s'exporte et se fait connaître, notamment grâce aux artistes issus de l'immigration post-coloniale en France tels que Khaled ou Cheb Mami. Après un premier festival raï à Oran en 1985, ce genre musical débarque en France à l'occasion d'un festival à Bobigny, en région parisienne, en janvier 1986.
En quelques années, le raï élargit son public, tout en suscitant l'intérêt des grandes maisons de disques. Khaled devient le premier maghrébin à entrer au Top 50 au début des années 1990 avec son tube "Didi". De son côté, Cheb Mami s'impose sur la scène internationale, grâce à son duo avec Sting sur le titre "Desert Rose". En 1996, le raï se fait connaître dans le monde entier grâce à la chanson "Aïcha" interprétée par Khaled qui a abandonné au passage son prénom pour son nom de scène.
Perte de vitesse
Au cours des années 2000, le raï disparaît peu à peu des plateaux de télévision, au détriment des musiques plus urbaines. Ce courant musical est aussi entaché par différents scandales comme la condamnation de Cheb Mami pour violences envers son ex-compagne.
En Algérie, plusieurs chanteurs de raï sont assassinés dont le plus célèbre d'entre eux, Cheb Hasni. Le roi du "raï sentimental" est tué à Oran en 1994 par des islamistes armés. Cette musique de rébellion qui chante et proclame la liberté passe mal auprès des extrémistes.
Retour en grâce
Le raï a été remis au goût du jour ces dernières années, grâce à de nouvelles générations de musiciens, comme la rencontre franco-algérienne hyper énergique de Sofiane Saidi et Mazalda et plus récemment avec le succès phénoménal de "Disco Maghreb", le dernier titre de la star planétaire franco-algérienne DJ Snake.
Le raï a aussi été porté par les Cheikha, des femmes aux voix rugueuses. Issues du monde de la danse, souvent marginalisées et courageuses, elles ont ajouté des idées transgressives dans ce courant musical, à savoir la liberté d’aimer et, tabou ultime, celle de désirer.
Cheikha Rabia chante le raï à l'ancienne, accompagnée de flûtes traditionnelles au son imprégné de passé bédouin. Figure féministe majeure, Cheikha Rimitti (1923-2006) était pour sa part surnommée la "reine du raï". Cette musicienne algérienne a composé plus de 200 chansons constituant un véritable répertoire dans lequel ses successeurs vont allégrement se servir.
Sous la liesse et ses rythmes entraînants, le raï transmet surtout un message de transgression universelle, il n’a donc rien d’une musique purement légère.
Sujet radio: Julie Henoch
Adaptation web: Sarah Clément