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"Maria Stuarda", deux femmes puissantes sur la scène du Grand Théâtre de Genève

Maria Stuarda (Stéphanie d'Oustrac) et Elisabeth Iere (Elsa Dreisig) sur la scène du Grand Théâtre de Genève. [Grand Théâtre de Genève - Monika Rittershaus]
Rencontre avec Elsa Dreisig et Stéphanie d'Oustrac / A l'Opéra / 30 min. / le 10 décembre 2022
Après "Anna Bolena" en 2021, le Grand Théâtre de Genève propose jusqu'au 29 décembre le deuxième volet de la trilogie des reines Tudor de Gaetano Donizetti, "Maria Stuarda". Une histoire cruelle et tragique, sublimée par le bel canto de Stéphanie d'Oustrac et d'Elsa Dreisig.

Pour composer la partition de "Maria Stuarda", Gaetano Donizetti a puisé dans les méandres politiques et passionnels des règnes des souverains anglais Henri VIII et Elisabeth Ière. La censure napolitaine n'ayant pas apprécié que Maria Stuarda traite sa cousine Elisabetta de "bâtarde" dans l'acte II, l'ouvrage fut interdit au lendemain de la générale en 1834, durant laquelle les deux cantatrices interprétant les rôles-titres, qui se détestaient, durent être séparées après s'être violemment disputées sur scène.

Donizetti remit l'ouvrage sur le métier et c'est cette version remaniée, peu appréciée du compositeur, qui fut créée en 1834 au Teatro San Carlo de Naples. Depuis la fin des années 1960, la partition originale de "Maria Stuarda", que Donizetti avait retoquée une nouvelle fois pour l'adapter à la tessiture de la fameuse mezzo-soprano Maria Malibran et qui fut créée en 1835, connaît un grand succès sur les scènes lyriques. C'est cet opéra que propose aujourd'hui le Grand Théâtre de Genève.

Les reines rivales

"Maria Stuarda" met en scène la rivalité entre Elisabetta Ière (Elsa Dreisig), reine d'Angleterre et sa petite cousine Maria Stuarda (Stéphanie d'Oustrac), reine d'Ecosse. Dans l'opéra, les deux femmes se disputent l'amour du comte Leicester (Edgardo Rocha) et sont aux prises avec des sentiments les plus absolus, de la jalousie à la colère en passant par la tristesse ou la haine. L'acte I culmine avec la confrontation (qui n'eut jamais lieu en réalité) entre les deux femmes. Rigide, engoncée dans sa tenue, Elisabetta apparaît plus dure que jamais tandis que Maria, communiant avec la nature environnante, offre l'image d'une femme douce et humiliée.

Cette tempête de sentiments contribue à rendre chacune des protagonistes plus humaine, malgré leur statut royal. "Nous pouvons toucher le public au travers des passions humaines vécues par chaque personnage, quel que soit son statut social ou son rôle dans la société, confirme à la RTS la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, qui incarne Maria Stuarda. Je crois que c'est universel. Le 'bel canto' est une manière de faire vivre les passions et les sentiments d'une manière exacerbée, en magnifiant les passions."

"Maria Stuarda" de Gaetano Donizetti dans la mise en scène de Mariame Clément. [Grand Théâtre de Genève - Monika Rittershaus]
"Maria Stuarda" de Gaetano Donizetti dans la mise en scène de Mariame Clément. [Grand Théâtre de Genève - Monika Rittershaus]

Mettre en scène sa propre exécution

Rivalité et jeux de pouvoir sont bien les maîtres-mots de cette oeuvre somptueuse. Femme politique, la rusée Maria Stuarda va jusqu'à mettre en scène sa propre mort sur l'échafaud. "Elle utilise son destin pour marquer l'histoire d'Angleterre. Elle transforme ce qui lui arrive pour magnifier son image et son pouvoir, ainsi que l'impact qu'elle va pouvoir laisser autour d'elle", reprend Stéphanie d'Oustrac.

>> A écouter, l'interview de la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, qui incarne le rôle-titre :

Stéphanie d'Oustrac dans "Maria Stuarda" de Donizetti. [Grand Théâtre de Genève - Magali Dougados]Grand Théâtre de Genève - Magali Dougados
Rencontre avec Stéphanie d'Oustrac / Musique Matin / 8 min. / le 15 décembre 2022

La nature luxuriante

Comme pour "Anna Bolena", la scénographie et les costumes ont été confiés à Julia Hansen tandis que la mise en scène est signée Mariame Clément. Elle repose sur une suite de tableaux figurés par des immenses panneaux bleus coulissants, qui laissent apparaître une forêt luxuriante. Les costumes sont sobres, robe longue pour Maria, vêtements dorés pour Elisabetta, que ceignent des éléments d'armure.

Avec "Maria Stuarda", le défi consiste à capter l'attention du spectateur malgré un livret accusant parfois quelques longueurs et une intrigue qui ne révèle pas de grande surprise. Pour la soprano Elsa Dreisig, qui incarne Elisabetta, l'oeuvre a beau ne pas être contemporaine, il lui reste l'essentiel: "Elle va nous toucher au coeur, même des siècles plus tard. Je cherche à rendre mon personnage passionnant et accessible, même s'il ne nous ressemble pas, tout en restant fidèle à l'idée du compositeur et du librettiste. Comprendre les enjeux qui sont derrière l'oeuvre est ce qui me passionne le plus dans ce métier."

Melissa Härtel

Propos recueillis par Serene Regard et Julian Sykes

"Maria Stuarda" de Gaetano Donizetti, à découvrir encore  les 21, 23, 26 et 29 décembre 2022 au Grand Théâtre de Genève

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