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La célèbre comédie musicale "My Fair Lady" sur la scène de l'Opéra de Lausanne

Une scène de "My Fair Lady" à l'Opéra de Lausanne. [Jean Guy Python]
Une scène de "My Fair Lady" à l'Opéra de Lausanne. - [Jean Guy Python]
Pour les fêtes et jusqu'au 31 décembre, l'Opéra de Lausanne propose "My Fair Lady" de Frederick Loewe, l'une des comédies musicales les plus connues de Broadway. Une production emmenée par la mezzo-soprano française Catherine Trottmann dans le rôle-titre.

Basée sur la pièce "Pygmalion" de George Bernard Shaw écrite en 1912, "My Fair Lady" a été créé en 1956 à New York, avec Julie Andrews et Rex Harrison dans les rôles principaux. La comédie musicale, composée par Frederick Loewe sur un livret signé Alan Jay Lerner, a connu 2'716 représentations jusqu'en 1962, ce qui en fait un des plus grands succès de Broadway.

En 1964, c'est le réalisateur George Cukor qui s'empare de cette histoire pour l'adapter au cinéma. Avec Audrey Hepburn dans le rôle-titre d'Eliza Doolittle et une fois encore Rex Harrison dans celui du professeur Higgins, le film recevra 8 Oscars et assure un nouveau succès à cette oeuvre.

Eliza, un rôle complexe

A l'Opéra de Lausanne, jusqu'au 31 décembre, c'est la mezzo-soprano française Catherine Trottmann (Révélation artiste lyrique lors des Victoires de la Musique en 2017) qui tient le rôle d'Eliza Doolittle, petite vendeuse de fleurs à la sauvette qui vit à Londres à l'époque victorienne.

Affublée d'un terrible accent cockney, elle va se transformer en lady grâce aux leçons de diction dispensées par le professeur Henry Higgins qui a fait un pari avec un confrère: présenter une Eliza métamorphosée à la cour de la reine où elle va devra bluffer les aristocrates présents.

Satire d'une société de classe et des apparences, "My Fair Lady" demande à l'interprète d'Eliza une grande palette de jeu, puisqu'il s'agit de passer d'une fille de la rue sans éducation à une princesse de la haute société londonienne. Une transformation que réalise avec beaucoup de réussite la mezzo-soprano française qui tient ce rôle pour la première fois.

A cette difficulté de jeu s'ajoute, puisque l'on est dans la pure tradition de la comédie musicale, celle d'alterner les passages parlés et chantés, parfois sans transition. "Le chant est ici beaucoup plus proche de la voix parlée que ne peut l'être le chant lyrique. Ça demande beaucoup plus de naturel, de coller plus aux mots, de mettre le texte en valeur", explique à la RTS la mezzo-soprano.

>> A écouter: l'interview de la mezzo-soprano Catherine Trottmann qui incarne Eliza Doolittle :

Catherine Trottmann dans "My Fair Lady" à l'Opéra de Lausanne. [Opéra de Lausanne - Jean Guy Python]Opéra de Lausanne - Jean Guy Python
"My Fair Lady": Catherine Trottmann incarne sa première Eliza Doolittle / L'Actu Musique / 10 min. / le 16 décembre 2022

D'une langue à l'autre

Surtout que dans cette production lausannoise, le metteur en scène Jean Liermier, actuel directeur du Théâtre de Carouge, a pris le parti de proposer les passages parlés en français et ceux chantés en anglais. Un mélange linguistique quelque peu déroutant au départ, mais qui permet au public francophone d'apprécier au mieux les nombreuses scènes parlées de l'oeuvre.

Une petite gymnastique intellectuelle fort bien maîtrisée sur scène par Catherine Trottmann, ainsi que par les autres rôles principaux: Nicolas Cavallier (professeur Higgins), Christophe Lacasagne (Pickering), Julien Dran (Freddy) et Rémi Ortega (le père d'Eliza) qui sont accompagnés par l'Orchestre de Chambre de Lausanne et le Choeur de l'Opéra de Lausanne, sous la direction de Jean-Philippe Clerc.

Une mise en scène post #metoo

Relevée par les majestueux décors signés Christophe de la Harpe, cette mise en scène avait déjà été montée à Lausanne en 2016. Elle est proposée cette année avec une distribution entièrement renouvelée et réussit le tour de force de présenter une oeuvre, certes pleine d'humour et de satire, mais dans laquelle les représentations de classes et les rapports hommes-femmes sont désormais critiqués, surtout depuis la vague #metoo.

Si la pièce n'a pas été modifiée ou édulcorée, la mise en scène de Jean Liermier a évolué sur cet aspect depuis 2016 et permet une fin plus ouverte. Car oui, le professeur Higgins est un affreux misogyne, mais ce que le metteur en scène retient de cette histoire et a voulu mettre en avant, c'est la révolte et l'émancipation d'Eliza.

"Cette oeuvre raconte surtout comment cette jeune femme va s'affranchir de son père alcoolique qui l'a délaissée et de ce père de substitution qu'est le professeur Higgins", explique-t-il à la RTS. Un homme qui, même amoureux, ne se gêne pas de la traiter de "boulet", de "chose", de "créature" et de lui assener: "Il n'y a pas une idée dans votre tête, pas un mot dans votre bouche qui ne soient de moi!"

Finalement, Eliza va devenir elle-même et trouver les ressources et la force de dire "non" à son oppresseur. Et montrer cette délivrance sur une scène d'opéra aujourd'hui, c'est tout sauf anodin.

Andréanne Quartier-la-Tente

Propos recueillis par Anya Léveillé et Anne Laure Gannac

"My Fair Lady", comédie musicale en 2 actes. Opéra de Lausanne. A voir jusqu'au 31 décembre 2022

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