Les mots de l'anarchiste Emile Pouget mis en musique par Abstral et Blok

Son nom ne dit pas grand-chose à grand monde. Pourtant, la pensée et les textes de l'auteur anarchiste français Emile Pouget ont exercé une influence considérable sur nombre d'artistes et chanteurs. Ses textes publiés dans "Le père peinard", le journal qu'il a fondé en 1889, ont influencé Brassens ou Renaud et continuent de fasciner. Au point que plus de 130 ans après leur publication, ses écrits sont adaptés et mis en musique par le duo Abstral Compost et Blok pour l'album "Tout à l'égout", dont la version 33 Tours vient de sortir.

Jonathan Dumani (Abstral Compost) et Stéphane Blok se sont rencontrés lors d'un travail de théâtre commun et se sont lancés dans l'aventure de l'adaptation des textes de l'anarchiste Pouget.

L'anarchisme fait-il de nouveau recette?

Anticlérical, pestant contre les "jean-foutre" (les bourgeois) et "les proprios", Pouget porte un propos virulent et poétique à la fois, toujours d'actualité selon Jonathan Dumani: "C'est un mouvement qui a beaucoup de choses à nous apprendre concernant les inégalités sociales ou les rapports de domination. Beaucoup de gens pensent que l'anarchisme, c'est le chaos, alors que c'est le contraire puisqu'il s'agit de s'organiser collectivement contre un ennemi commun". Il s'agirait donc de "tendre vers l'égalité et l'inversion des rapports de force".

On pourrait se poser la question, avec le succès public l'an passé de "Unrueh", long métrage du réalisateur Cyril Schaüblin qui raconte l'émergence des mouvements anarchistes dans l'industrie horlogère de la Suisse du XIXe siècle. Traversé par les mêmes questions sociales, le projet "Tout à l'égout" résonne lui aussi avec notre époque, comme le souligne Stéphane Blok: "C'est un ressenti que l'on peut tous avoir, le fait de voir que quelqu'un gagne en une heure le salaire de toute une vie d'une femme de ménage. On comprend bien qu'il y a un problème dans cette société. La pandémie l'a mis en exergue, en montrant que les métiers les moins bien payés étaient les plus utiles".

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Ratichon et tête de veau

Emile Pouget était un inventeur du langage avec ses expressions fleuries, bien de leur temps. Les députés sont des "bouffes-galettes", les prêtres des "cléricanailles" et les journalistes des "chieurs d'encre". Stéphane Blok s'en amuse: "Nous ne sommes pas militants, mais ces textes gardent toute leur force malgré leur âge, leur gouaille d'une autre époque. Les jouer sur scène nous permet de voir les constantes qui nous traversent. Comprendre que rien n'a changé, on peut toujours crever de faim bien que l'on travaille, parce que nous n'avons fait que délocaliser la misère. Nous sommes en pleine désillusion alors qu'ils étaient en pleine utopie".

Pierre Philippe Cadert/ld

Abstral et Blok, "Tout à l'égout" (Hummus Records).

"Le récital de la mistoufle", Théâtre 2.21, Lausanne, jusqu'au 5 février.