En douze titres et textes bruts, Chien Bleu déroule les flashbacks, égrène les désillusions ou doutes existentiels, évoque son enfance urbaine ou ses origines tchèques sur une bande sonore alternant incises rythmiques et tapis atmosphériques.
A 30 ans à peine, pour son deuxième album, le rappeur genevois, tatoueur à la ville, a déjà ressenti un impérieux besoin de regarder dans le rétroviseur. "J'ai clairement senti que pour comprendre où je vais et me comprendre, j'ai besoin parfois de me livrer à l'introspection. Et là, c'est devenu presque le thème de l'album, alors que ce n'était pas une volonté au départ", explique Chien Bleu à la RTS.
"Les stigmates et les blessures m'inspirent"
S'ils ont une portée bien ancrée dans l'âpre quotidien urbain, ces "Jours sauvages" sont aussi empreints d'une certaine forme de nostalgie. "La peur de cette sorte de désastre mondial actuel, qui passe tant par la pandémie que l'écologie, m'inspire. Ce sont des jours particulièrement sauvages, comme l'enfance que j'ai vécue".
Si la tonalité générale du répertoire est sombre, elle n’est toutefois pas plombante pour autant, grâce notamment à la chaleur des instrumentations et aux parties chantées plus fréquentes que sur "Papillon", le précédent album de Chien Bleu paru il y a deux ans. L'ex-chanteur punk converti aux scansions hip-hop nuance: "Je n'ai pas l'impression de me plaindre, mais de décrire seulement la noirceur qui m'entoure. Les stigmates et les blessures m'interpellent et m'inspirent davantage que le soleil et la plage. Je laisse ça à Magic System".
Un répertoire pétri de dualités
Ainsi, "Jours sauvages" ne fait pas l'impasse sur les questionnements existentiels. Dans "Choisis", Chien Bleu avoue avoir peur de se tromper de vie alors que "Ok" aborde la peur de l'échec. "Je trouve que la vie change à partir du moment où l'on prend conscience que l'on va mourir. Et je m'en suis rendu compte assez vite. C'est sans doute aussi pour ça que je ne me suis jamais arrêté de faire de la musique, que je vis fort. Tout ça va avec la peur de l'échec, car quand il y a une échéance, on se rend compte qu'on n'arrivera pas à faire tout ce qu'on veut et qu'il faut faire des choix. Et les choix, ce n'est pas facile, mais pour moi c'est inspirant".
En interrogeant et observant son environnement tout en se remettant en question, Chien Bleu parvient avec "Jours sauvages" à créer un répertoire pétri de dualités jusque dans ses choix lexicaux: "Je ne sais pas si c'est un album de la dualité, mais j'aime fonctionner par contrastes. Et je trouve qu'une image poétique va toujours plus briller à côté d'un élément plus dur ou plus sombre et inversement. J'essaie toujours de trouver l'élément qui va faire briller le mot d'après".
Olivier Horner
Chien Bleu, "Jours sauvages" (Monlausanne Production).
En concert à l’Usine à Gaz, Nyon , dans le cadre du festival Les Hivernales, le 3 mars.