Publié

L'Islande, terreau fertile pour les musiques de film

La compositrice islandaise Hildur Gudnadottir, récompensée pour la musique du film "Tar" lors des Critics' Choice Movie Awards à Los Angeles en janvier 2023.
LʹIslande, terreau fertile pour la musique de film / L'Actu Musique / 9 min. / le 17 février 2023
Depuis quelques années, l’Islande exporte avec succès ses compositeurs et ses compositrices de bandes originales de films et de séries. Leur travail se retrouve dans les productions cinématographiques internationales les plus en vues.

L’Islande, le pays des volcans, des fjords et de Björk n’est pas forcément réputée pour son cinéma. Si, récemment, des longs métrages comme "Lamb" et "Godland", ont connu de belles carrières en festivals, leur sortie en salles n’en est pas moins demeurée confidentielle.

À l’inverse, depuis quelques années, le petit pays nordique exporte avec succès des compositeurs et compositrices de bandes originales. Cordes étirées dans les registres des graves et des aigus, atmosphères crépusculaires, irruption de touches électroniques, le "son" islandais a désormais sa place dans le paysage cinématographique.

Jóhann Jóhannsson, l'incontournable

Peu connu avant les années 2000, le compositeur islandais Jóhann Jóhannsson est devenu incontournable en l’espace de quelques années. Auteur prolifique de compositions au carrefour de la musique contemporaine et électronique, Jóhannsson est surtout devenu célèbre grâce à sa collaboration avec le cinéaste canadien Denis Villeneuve, pour lequel il a composé les musiques des films "Prisoners", "Sicario" et "Premier contact".

Figure du courant néo-classique, on peut rapprocher son style de celui de Max Richter qui, comme lui, séduit par la mélancolie de ses compositions et par la porosité avec les univers de la pop et de l’électronique.

Alors qu’il enchaîne les albums et les musiques de films, Jóhann Jóhannsson disparaît prématurément en 2018, à l’âge de 48 ans. Il a néanmoins eu le temps de laisser son empreinte sur un certain cinéma d’auteur qui côtoie de près les grandes productions hollywoodiennes.

Le travail de Hildur Guðnadóttir, plusieurs fois primé

Le flambeau musical est repris par d’autres de ses compatriotes, parmi lesquels la compositrice et violoncelliste Hildur Guðnadóttir, proche collaboratrice de Jóhannsson, qui connaît en très peu de temps une ascension fulgurante. Son nom apparaît en tant que violoncelliste solo sur les bandes originales de "The Revenant", "Prisoners" et "Sicario", et c’est tout naturellement qu’elle finit par composer la suite de ce dernier, "Sicario: la guerre des cartels", en 2018.

Hildur Guðnadóttir rencontre ensuite coup sur coup deux immenses succès critiques: son travail sur la mini-série "Chernobyl" et sur le film "Joker". Dans les deux cas, son approche privilégie les atmosphères oppressantes et les orchestrations minimales, à contre-courant d’une idée de la musique de film mélodique et narrative.

Dans le sillage du carton mondial de "Joker", la profession salue son talent. Déjà plusieurs fois primée pour son travail, Hildur Guðnadóttir reçoit l’Oscar de la meilleure musique de film en 2020: une première historique pour une artiste islandaise.

Cette année, la compositrice sera de nouveau présente aux Oscars dans la catégorie de la meilleure musique de film. Ce ne sera pas pour "Tár" de Todd Field, dont elle assume la direction musicale, mais pour le nouveau long métrage de la cinéaste américaine Sarah Polley, qui signe son grand retour avec "Women Talking". La sortie de ce film en Suisse romande n’est malheureusement pas prévue pour le moment. On peut néanmoins en écouter la musique, éditée sur le label Mercury Classics.

La relève est assurée

Au-delà des célébrités que sont Jóhann Jóhannsson et Hildur Guðnadóttir, l’Islande recèle d’autres compositeurs et compositrices dont le travail infuse actuellement les productions internationales.

Citons pêle-mêle Atli Örvarsson, devenu en quelques années le champion des séries B, Ólafur Arnalds qui, en dehors des séries et du cinéma, connaît une brillante carrière dans la pop indépendante, Tóti Guðnason, compositeur de "Lamb", un film fantastique qui a écumé les festivals en 2021 et enfin Herdís Stefánsdóttir, nouvelle venue, héritière spirituelle de Jóhann Jóhannsson, tout juste embauchée par M. Night Shyamalan pour signer la musique de son dernier long métrage événement, "Knock at the Cabin" qui vient de sortir en salles.

Sujet radio: Pascal Knoerr

Adaptation web: aq

Publié