Gorillaz mélange joies eighties et déprimes actuelles dans "Cracker Island"

La pochette de l'album de Gorillaz "Cracker Island". [Warner-Elektra-Atlantic Corp.]
Vibrations - Le groupe Gorillaz sort un nouvel album / Vibrations / 5 min. / le 27 février 2023
Plus de vingt ans après ses débuts, le groupe virtuel fondé par Damon Albarn et Jamie Hewlett est de retour avec son huitième album, "Cracker Island". Sur une bande-son au spectre large, des invités de marque comme la chanteuse Stevie Nicks et le rappeur Bad Bunny font leur apparition.

À la fin des années 1990, Damon Albarn, alors populaire en tant que chanteur du groupe de rock Blur, et son ami Jamie Hewlett, dessinateur et bédéiste, sont à la recherche de nouveauté artistique. L’idée leur vient de créer un groupe composé de quatre musiciens fictifs aux traits rappelant ceux de gorilles: le chanteur dépressif 2D, auquel Damon Albarn prête sa voix, le bassiste satanique Murdoc Niccalls, la jeune guitariste japonaise Noodle et le batteur new-yorkais hanté par les fantômes de ses amis Russell Hobbs. Ensemble, les quatre compères résident dans les studios Kong, habités par toutes sortes de créatures farfelues.

Le succès est au rendez-vous dès 2001 avec la chanson "Clint Eastwood", dont le clip, présentant l’univers de Gorillaz, est un mélange d’animation et de 3D. Le morceau repose sur un sample tiré de la bande-son du film de Sergio Leone "Le bon, la brute et le truand". Damon Albarn y chante en duo avec le rappeur californien Del the Funky Homosapien. Sur scène, le groupe joue derrière un rideau tandis que le public regarde des hologrammes représentant ses membres virtuels en train de jouer. Le métavers n’existe pourtant pas encore.

Un concept qui évolue

Aujourd’hui, si la recette de base du groupe n’a pas changé - brouiller les limites entre les genres musicaux tout en invitant des artistes à collaborer sur des chansons -, les concerts du groupe ont évolué. Ce sont désormais les musiciens réels qui sont mis en avant, tandis qu’une projection des membres fictifs du groupe, dont le design et l’histoire a évolué au fil des albums, est affichée à l'arrière de la scène.

Quant aux clips et visuels, ils mélangent désormais 3D, animation traditionnelle et prises de vue réelles. Le groupe est aussi présent sur les réseaux sociaux. Les comptes sont à la fois animés par les membres virtuels de Gorillaz, Damon Albarn et Jamie Hewlett.

Dans "Cracker Island", huitième album qui vient de paraître, de nombreux invités de marque apportent leur patte à l’album le temps d’une chanson: le bassiste et producteur américain Thundercat, la chanteuse de Fleetwood Mac Stevie Nicks, les rappeurs Bad Bunny et Bootie Brown, Tame Impala, Beck et le chanteur Adeleye Omotayo, qui accompagne régulièrement Gorillaz en tournée en tant que choriste.

Synthétiseurs et rêves brisés

Enregistré à Los Angeles, l’album fait référence à la ville et aux nombreux lieux de culte célèbres qu'elle abrite, selon une interview de Damon Albarn accordée au journal Le Monde. Chaque chanson est inspirée d’un aspect de la ville, saupoudrée d’un peu de rêve et d'occulte.

Une ambiance reflétée dans les clips des chansons, qui peuvent se regarder à la manière d’un film. Dans "Silent Running" ("La fuite silencieuse"), le personnage de 2D, pris au piège dans une secte occulte, est secouru par son groupe.

À la fois coloré aux synthétiseurs des années 1980 et teinté des titres et paroles sombres comme "Cracker Island", pouvant être une allusion aux paradis artificiels, "Oil" ("pétrole") ou encore "The Tired Influencer" ("l’influenceur fatigué"), l’album semble aussi refléter les paradoxes de notre époque. "Dans les années 1980, on ne pouvait pas imaginer à quel point la situation du monde deviendrait sombre en 2023", exprime Damon Albarn lors d’une interview pour le média musical anglo-saxon Genius.

En dix titres seulement, Gorillaz signe en tous les cas un retour inattendu et continue à surprendre.

Sujet radio: Yves Zahno

Adaptation web: Myriam Semaani

Gorillaz, "Cracker Island" (Parlophone Records).

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