De "Whiplash" à "Babylon", le duo Damien Chazelle et Justin Hurwitz cartonne

Un peu à l'image de Steven Spielberg et John Williams, Damien Chazelle et Justin Hurwitz forment un duo cinéaste-compositeur inséparable. A un détail près: à ce stade de sa jeune carrière, Justin Hurwitz n’a écrit de musique que pour les films de son complice réalisateur. Une relation de travail qui est donc pour l'instant exclusive!

Chazelle et Hurwitz sont tous les deux nés en 1985. Passionnés de cinéma et de musique, ils se rencontrent durant leurs études à Harvard. L’apprenti cinéaste et l’apprenti compositeur collaborent sur le long métrage de fin d’études de Damien Chazelle, "Guy and Madeline on a Park Bench", produit en 2009. Dans ce film, qui a pour héros un trompettiste de jazz, on note déjà la fascination de Chazelle pour les films de Jacques Demy et les musiques de Michel Legrand.

"Whiplash", le premier succès

Le film est suffisamment remarqué pour que Justin Hurwitz et Damien Chazelle tentent ensemble leur chance à Los Angeles, où ils se mettent à travailler sur des scénarios. Ils percent avec "Whiplash", un film que Damien Chazelle développe à partir d’un court métrage du même nom. Récompensé au festival de Sundance, "Whiplash" met en scène la rivalité brutale entre un professeur de batterie tyrannique, interprété par J.K. Simmons, et son élève, interprété par Miles Teller.

Justin Hurwitz, qui compose la bande originale, utilise une technique originale pour illustrer l’affrontement entre l’élève et le maître: il écrit des morceaux au climat tendu, inspirés par la musique électronique, qu’il fait ensuite interpréter par des instruments en lien avec l’environnement du film. Comme l’intrigue de "Whiplash" se déroule dans une école de jazz, Hurwitz compose également des plages pour big band, à l’image de sa flamboyante ouverture.

"La La Land", la consécration

"Whiplash" fait connaître Damien Chazelle, qui peut ensuite financer le projet de ses rêves: faire revivre dans un contexte contemporain l’âge d’or des comédies musicales et du CinemaScope. Dans "La La Land", sorti en 2016, porté par Emma Stone et Ryan Gosling, Chazelle déroule sa vision de la quête de gloire à Hollywood. Ici encore, son admiration pour les films de Jacques Demy irrigue le récit et la mise en scène.

Le personnage de Ryan Gosling est pianiste de bar, Emma Stone incarne une actrice en devenir. Le cinéma et la musique se rencontrent le temps d’un chassé-croisé amoureux, dans les studios ou sur les hauteurs de Los Angeles. Justin Hurwitz, inspiré autant par Michel Legrand que par les standards de Broadway, signe l’ensemble de la partition, ainsi que les chansons du film.

C’est un carton plein pour "La La Land", qui empoche de nombreux prix, dont les Oscars de la meilleure musique de film et de la meilleure chanson originale.

A voir et à écouter: l'Epilogue du film "La La Land" de Damien Chazelle sur une musique de Justin Hurwitz

"First Man", enthousiasme critique et échec financier

Toutes les portes sont désormais ouvertes pour Damien Chazelle. Son projet suivant étonne: "First Man" (2018) conte le récit de la conquête de la Lune par les Américains, vue par les yeux de Neil Armstrong. Chazelle s’intéresse en particulier à la solitude de ces astronautes lancés dans le projet fou et obsessionnel d’être les premiers à poser le pied sur la Lune. En conséquence, la partition de Justin Hurwitz baigne en partie dans la mélancolie. Sur les pièces intimistes, il incorpore des instruments électroniques typiques des années 1960, tels que le thérémine et le Moog.

Il compose également quelques séquences spectaculaires, comme celle qu’il écrit pour la formidable reconstitution de l’alunissage.

A voir et à écouter: la scène de l'alunissage du film "First Man" sur une musique signée Justin Hurwitz

Malgré ses nombreuses qualités et l’enthousiasme critique, "First Man" ne rencontre pas son public et est considéré comme un échec financier.

"Babylon", la légende d'Hollywood

Cela n’empêche pas Damien Chazelle de s’emparer une nouvelle fois de la légende d’Hollywood en réalisant "Babylon", un long métrage qui se focalise sur la période des années 1920 lors de la transition du muet au parlant.

Chazelle filme la part obscure et décadente de l’industrie du cinéma en suivant les itinéraires de plusieurs personnages, parmi lesquels ceux joués par Margot Robbie et Brad Pitt. Côté musique, Hurwitz compose des leitmotivs entêtants qu’il s’amuse à décliner sous plusieurs formes, qu’ils soient joués par un grand ensemble, un piano bastringue, ou un orchestre de cirque. La partition, omniprésente et frénétique, est destinée à souligner, selon les termes du compositeur, l’univers hédoniste et sauvage du film.

A écouter: "Voodoo Mama", extrait de "Babylon"

À sa sortie au début de l'année, "Babylon" divise les critiques et connaît un échec commercial. Il ne glane que trois nominations pour les Oscars qui seront décernés ce dimanche, dont celui de la meilleure musique. Une quatrième nomination pour Justin Hurwitz et peut-être un deuxième Oscar après celui obtenu pour "La La Land".

Sujet radio: Pascal Knoerr

Adaptation web: aq