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Les discrètes années suisses de Nina Simone, David Bowie et Freddie Mercury

Le chanteur anglais David Bowie au Montreux Jazz Festival, le 18 juillet 2002. [KEYSTONE - Fabrice Coffrini]
Série podcast "Under pressure" / Vertigo / 9 min. / le 29 juin 2023
Au milieu des années 1970, Nina Simone, David Bowie et Freddie Mercury posent leurs valises en Suisse romande. Ces trois idoles de la pop sont alors en roue libre et s’installent au bord du Léman pour trouver un nouveau souffle. Le podcast "Under Pressure" de David Brun-Lambert et Carole Harari retrace leurs vies secrètes.

En huit épisodes d'une vingtaine de minutes, "Under Pressure" revient sur les vies très discrètes, voire secrètes de ces trois pop stars. A la façon d'une enquête, le podcast tente de reconstituer leurs faits, gestes et états d’esprit. Et éclaire les nombreuses zones d’ombre que les biographies existantes ne dévoilent pas et dans lesquelles un certain Claude Nobs a joué un rôle déterminant en oeuvrant comme intermédiaire et facilitateur.

Des portraits impressionnistes

David Bowie a pourtant passé vingt ans sur la Riviera vaudoise entre Blonay et les hauts de Lausanne et y a imaginé huit albums, dont l’emblématique "Let’s Dance". Freddie Mercury a quant à lui acheté le Moutain Studio de Montreux avec Queen en 1979 et retrouvé un élan créatif pour enregistrer entre autres "Made in Heaven". Tandis que Nina Simone est restée environ trois ans dans les alentours de Nyon tout en donnant un concert stupéfiant au Montreux Jazz Festival à son arrivée en 1976.

Le projet "Under Pressure" s'est rapidement apparenté à un jeu de pistes complexe pour reconstituer ce puzzle suisse, selon les auteurs. "La grande difficulté était de savoir comment creuser et de trouver comment en savoir plus sur le quotidien presque ordinaire de Nina, Bowie et Mercury en Suisse, alors que beaucoup de témoins ne sont plus là pour raconter l'histoire. Les grandes lignes biographiques et grosses anecdotes, nous les connaissons tous. Du coup, c'était vraiment une enquête qui nous a mené aussi d'anonyme en anonyme. On a réalisé assez vite que ce ne serait pas une enquête scientifique parfaite mais plutôt un portrait impressionniste, sans être une reconstitution idéale", indique à la RTS Carole Harari.

La volcanique Nina Simone

Le cas le plus épineux a été celui de Nina Simone. En tant qu’auteur déjà il y a vingt ans d’une biographie de la chanteuse américaine, David Brun-Lambert concède à la fois ne pas avoir appris grand-chose tout en ayant été stupéfié par certains moments de vie parfois inavouables. "Avec Nina, tout est toujours incohérent de toute façon et il ne faut pas chercher une trame logique. On a plutôt glané de petites scènes de vie ordinaires. Elle a essayé de toutes ses forces, presque avec l'énergie du désespoir, d'avoir une vie ordinaire en Suisse romande; d'avoir des amitiés normales, d'avoir des rapports de bon voisinage et rien de tout cela ne marchait. Parce que pour elle ça ne marchait jamais!".

La bipolarité avérée de Nina Simone, sans pour autant qu'elle soit médicamentée, la fait osciller entre des moments d'euphorie et d'amabilité et des phases de dépression et de violence. Un tempérament éruptif qui a généré son lot d'anecdotes connues, comme celle où la chanteuse furieuse poursuit Claude Nobs avec un couteau pour une histoire de contrat. "Cela s'est traduit aussi par des histoires encombrantes ou tragiques avec des voisins. On a finalement choisi d'approcher son histoire suisse avec affection et préférer taire certaines choses trop dures".

Le flegme britannique de Bowie

A l’inverse, c’est la discrétion de David Bowie lors de ses vingt années passées en Suisse romande entre 1976 et 1996 qui frappe. Le chanteur est déjà une star, voire un mythe, mais se comporte comme Monsieur et Madame tout le monde au bord du Léman où il est notamment ébloui par le musée de l’Art brut de Lausanne. Une ville dans laquelle il se marie d'ailleurs en 1992 avec le mannequin Iman. Un flegmatisme tout britannique à l’opposé du volcanisme de Nina Simone.

"En Suisse, Bowie est un bosseur avec ses horaires de bureau. Il se rend en studio le matin, de 8h jusqu'à 17h. Il y a quelque chose de très rangé. Et ce qui nous a frappé aussi, c'est sa capacité à être quasiment invisible, de se balader dans les rues sans se faire remarquer, comme si il avait un interrupteur pour son anonymat malgré son aura. Ce qui reste surprenant est que malgré le nombre de biographies consacrées à Bowie, aucune ne mentionne ses vingt ans passés en Suisse romande. Comme si il y avait quelque chose d'inavouable dans la construction de son mythe", détaille Carole Harari.

L'ennui de Freddie Mercury

Pour ce qui est de Freddie Mercury enfin, dont la statue trône fièrement à Montreux, ses années vaudoises se placent plutôt sous le signe de l’ennui. Hormis les sessions d’enregistrements de plusieurs albums au Moutain Studio, où Bowie mixera aussi "Heroes" et enregistrera leur fameux duo "Under Pressure", Mercury passe son temps sur la fin dans un penthouse acheté à Territet, à l’abri des assauts des tabloïds anglais et en compagnie de sa maladie, le sida, qui l'épuise.

Olivier Horner

Présentation du podcast "Under Pressure" par David Brun-Lambert et Carole Harari au Montreux Jazz Festival, Bibliothèque de la Lake House, le 1er juillet à 20h30.

Tous les épisodes sont à retrouver sur le site de Chahut Media. Les deux derniers volets consacrés à Freddie Mercury disponibles dès le 12 juillet 2023.

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