Lors de son dernier passage à Montreux voilà cinq ans, il s'était cassé une dent. Sur la même scène de l'Auditorium Stravinski jeudi soir, Iggy Pop est cette fois ressorti indemne, mais toujours dégoulinant, de son heure et demie de concert placée souvent sous le signe des bons vieux souvenirs punk-rock. Il clôt d'ailleurs les débats, menés torse nu fripé évidemment, en balançant son micro et par deux doigts d'honneur adressés à une audience conquise qui en redemande.
Un peu plus tôt, les contrastes prononcés étaient aussi de mise entre une salle bon chic bon genre et le chanteur peroxydé Billy Idol dans son blouson de cuir clouté qui faisait entonner en épilogue le "No Future" du "God Save the Queen" des Sex Pistols rejoué par sa formation Generation Sex. Un groupe composé d'anciens membres de Generation X (le bassiste Tony James) et des Pistols (le batteur Paul Cook et le guitariste Steve Jones) qui tente tant bien que mal de rallumer les mèches punk, mais se voit desservi par la voix d'un Billy Idol incapable de la moindre braise.
Répertoire des Stooges ravivé par Iggy Pop
A l'inverse d'un Iggy Pop qui parvient encore vocalement à incarner son ardeur passée. A 76 ans, l’Iguane le plus célèbre du rock’n’roll est revenu l'an dernier dans l'album "Every Loser" à ses premières amours des grosses guitares après une parenthèse jazzy. Un retour peu inspiré et un brin caricatural qu'il a pourtant choisi de laisser de côté le plus souvent dans une prestation compacte avec sept musiciens, qui a attisé les cendres punk du répertoire de sa mythique formation des Stooges: de "T.V Eye" à "Down on the Street" via les brûlots "Raw Power", "Gimme Danger", "Search and Destroy" ou l'incontournable et muséal "I Wanna Be Your Dog", qui voit Iggy Pop jouer les cabots et se rouler par terre sous les vivats et les choeurs du public.
Inventaire rock'n'roll
Si la présence de deux cuivres délaye parfois un peu trop la vélocité et l'âpreté de certains morceaux de bravoure historiques, les touches atmosphériques apportées sur des titres plus récents comme "Mass Production", "Endless Sea" ou "Nightclubbing" se marient habilement aux guitares acérées. Le parrain du mouvement punk y trouve alors aussi un registre vocal plus ardent ou plus charbonneux façon crooner élégant.
L'inventaire rock'n'roll du tour de piste contorsionniste d'Iggy Pop au Montreux Jazz, introduit sur les écrans latéraux par des images de l'Iguane à chaque époque, n'aurait pas été complet sans "The Passenger" et "Lust For Live". Deux exutoires tout en suspensions et tensions permettant cette communion scénique répétée entre l'Américain et le public.
S'il n'est jamais loin de sa caricature rugissante, Iggy Pop s'en sort à chaque fois impérialement par l'intensité physique de son implication et ses pirouettes d'équilibriste, bien servi par un groupe présent uniquement pour souligner ses sévices, mais avec qui il partage peu. Le mythe sauvage, punk et immortel, c'est lui après tout.
Olivier Horner