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De Wet Leg à Idles, torpeur et fureur rock au Montreux Jazz Festival

Le groupe britannique Idles emmené par son chanteur Joe Talbot au Montreux Jazz Festival, le 10 juillet 2023. [FFJM 2023 - Emilien Itim]
Le groupe britannique Idles emmené par son chanteur Joe Talbot au Montreux Jazz Festival, le 10 juillet 2023. - [FFJM 2023 - Emilien Itim]
Lundi soir au Montreux Jazz Festival, Wet Leg et Idles se sont succédé sur la scène du Lab. Les deux formations britanniques adeptes de punk-pop et de post-punk ont lâché les guitares lors de deux prestations oscillant entre stupeur et rage sauvage.

La légende prétend que Rhian Teasdale et Hester Chambers, le noyau dur féminin de Wet Leg, ont décidé de former leur groupe lors d'un concert renversant de Idles. Le Montreux Jazz Festival a ainsi eu la bonne idée de réunir les deux formations britanniques sur la scène du Lab lundi pour une soirée entre punk-pop et post-punk sur lit de guitares abrasives.

Wet Leg, lenteurs et fulgurances

De "Wet Dream" à l'étourdissant "Chaise longue", le titre qui a révélé voilà deux ans Wet Leg, les natives de l'île de Wight ont ouvert la voie à leurs aînés entre ardeur et candeur, fulgurances pop mélodiques et saturations post-punk, nonchalance et urgence.

En une heure d'une prestation inégale, mais fidèle à leur seul album éponyme tout de même sacré par deux Grammy Awards et deux Brit Awards, Wet Leg excelle surtout dans ses morceaux les plus saturés, énervés et bordéliques ("Angelica", "Oh No" ou "Ur Mum") en digne héritier des Runaways, des Breeders ou Pixies. En mode quintet avec une batterie scéniquement excentrée, le reste du répertoire plus lascif et truffé de doubles-sens érotiques peine toutefois à séduire pleinement au-delà du simple divertissement rafraîchissant.

Rhian Teasdale et Hester Chambers du groupe anglais Wet Leg au Montreux Jazz Festival, le 10 juillet 2023. [FFJM 2023 - Emilien Itim]
Rhian Teasdale et Hester Chambers du groupe anglais Wet Leg au Montreux Jazz Festival, le 10 juillet 2023. [FFJM 2023 - Emilien Itim]

Idles, fureur et tremblements

Alors quand Idles prend le relais, mais cette fois devant un double mur d'amplis en mode formation de combat avec deux guitares, une basse et une batterie, la prime torpeur se mue instantanément en fureur. Le crescendo rythmique du post-punk "Colossus" et la voix de stentor de Joe Talbot achèvent de soulever l'auditoire qui s'embrase entre transe et épilepsie dansante.

Les incendiaires "Car Crash", "Mr. Motivator" et l'explosivité stupéfiante de "Mother" qui suivent confèrent déjà une dimension extraordinaire au concert d'un quintet qui ne tient pas plus en place que son public et ponctue lui aussi certains titres d'exercices de stage diving. Et quand l'urgence peut se marier à un discours militant ou contestataire, de l'anti-militarisme de "War" aux moqueries à l'égard des obsessions sexuelles de Donald Trump sur "Mr. Motivator", le cocktail rock Molotov se fait encore plus sulfureux.

Au terme d'une heure et demie de rage sonore à peine atténuée par deux morceaux de répit, des incantations textuelles ironiques à Mariah Carey, Céline Dion et Adele ainsi qu'un Joe Talbot qui joue les Nick Cave en faisant s'asseoir le public avant de le haranguer pour une salve de détonations vocales et corporelles furieuses, le feu propagé par Idles peine à s'éteindre. Et ses airs naturellement je-m'en-foutiste qui réactualisent sauvagement les années punk de prendre soudain une importance capitale. Et même si Joe Talbot a affirmé plus tôt en enfilant un soutien-gorge échoué sur scène son plaisir d'avoir partagé la soirée avec Wet Leg, "un des meilleurs groupes du monde", on le contredit sur le champ pour placer ses Idles au firmament ce soir-là.

Olivier Horner

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