Minuit, une moto qui vombrit et la plaine de l'Asse qui rugit. L'heure est à "Motomami", troisième album de la phénoménale Rosalía hybridant le flamenco le plus pur aux beats tonitruants sur fond de trap et reggaeton.
La pop star entre en fond de scène sous un masque éclairé au néon à la suite de ses danseurs aux casques lumineux dans un ballet chorégraphique aussi minimaliste que graphique. Deux cubes latéraux qui accueillent lumières et projections découpent le plateau de la Grande scène de Paléo. Aucune trace de musiciens, mais une bande enregistrée puissante sur laquelle Rosalía cale sa voix ardente ou espiègle en faisant parfois semblant de chanter, après un "bonsoir Nyon" et un "je suis honorée de chanter ici".
Le rutilant et dansant "Motomami"
Ce décor épuré permet de lancer en réalité un vidéo clip dansant d'un peu plus d'une heure pour rediffusion dans tous les formats numériques sur les réseaux sociaux, où des caméras embarquées vont traquer et diffuser sur les écrans la moindre moue et expression d'une Rosalía volontiers théâtrale dans la mise en scène d'elle-même. Même si la Catalane de 30 ans ressemble davantage à une Emma Peel dans sa combinaison noire surmontée d'une jupe en cuir sur bottes hautes qu'à une pop star contemporaine.
"Saoko" ouvre le bal et on espère que l'esprit du duende, un démon métaphorique hispanique qui plane et transfigure son rutilant "Motomami" en une expérience presque mystique, va encore nous saisir. Las. Jusqu'au tiercé final composé de "Cap.I.Augurio: Malamente", "Chicken Teriyaki" et "CUUUUuuuuuut", via "Hentai", "Le combi Versace", "Diablo" et la reprise de "Blinding Lights" de The Weekend, c'est une succession de tableaux (Rosalía au piano, dans un fauteuil de coiffure, sur une moto humaine, etc) où défilent quelques pas de flamenco, twerk agité et gestuelles saccadées ou ralenties de danse contemporaine divertissants.
Hybridations esthétiques à l'extrême
Une production, qui a nécessité une cinquantaine de personnes et l'atterrissage de deux jets privés, à la fois plaisante et visuellement magnifique, mais si surjouée que le show en devient régulièrement désincarné. Passé l'enthousiasme inaugural, le public semble d'ailleurs réagir de plus en plus mollement, malgré les syncopes sonores. Une relative indifférence qui a peut-être aussi fait dire à Rosalía: "On ne comprend pas tes paroles mais on t’aime"... Mais il s'avérait en fait qu'elle lisait le texte d'une pancarte dans la foule.
Si la chanteuse espagnole sait comme personne se jouer des codes et des chapelles musicales et pousser les hybridations esthétiques à l'extrême pour une pop à la fois hospitalière et expérimentale, son triomphal "Motomami World Tour", dont c'était l'avant-dernière date à Nyon, ne s'est pas révélé aussi novateur et visionnaire. Comme récemment au Montreux Jazz Festival où Lil Nas X n'était pas parvenu à restituer sur scène l'anti-conformisme et les audaces de son répertoire.
Rosalía aura toutefois clôturé une belle soirée où se sont distinguées chanteuses et femmes de caractère aux signatures musicales bien affirmées: de la rappeuse romande KT Gorique aux chanteuses françaises Pomme et Zaho de Sagazan, en passant par la chanteuse et danseuse romande Baby Volcano dont l'univers est parfois proche de la Catalane.
Olivier Horner
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