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Au Festival de Bregenz, "Madame Butterfly" en majesté sur le lac

Festival de Bregenz. [Festival de Bregenz - Karl Forster]
A Bregenz, "Madame Butterfly" sur la scène du lac / L'Actu Musique / 7 min. / le 11 août 2023
Jusqu'au 20 août, le festival de Bregenz, en Autriche, propose sur sa scène flottante l'opéra "Madame Butterfly" dans une mise en scène épurée signée Andreas Homoki. Le directeur de l’Opéra de Zurich offre une lecture convaincante de l'oeuvre de Giacomo Puccini.

Le festival de Bregenz, le "Bregenzer Festspiele", existe depuis plus de 75 ans. Chaque année, dans les salles du Palais du festival, on peut entendre des concerts, admirer des ballets ou écouter des opéras. Mais la particularité du festival réside dans sa "Seebühne", sa scène sur le lac, plus grande scène flottante au monde. Tous les étés pendant un mois, on y joue un opéra en plein air.

Depuis le 20 juillet dernier, c'est "Madame Butterfly" de Puccini qui est interprété sur la scène du lac, dans une mise en scène plutôt dépouillée signée Andreas Homoki. Connu pour le côté spectaculaire de ses mises en espace et ses éléments de décor qui bougent, s’enflamment, flottent ou sortent de l’eau, le festival de Bregenz joue cette année la carte de la sobriété et de l'esthétisme. Exit donc les acrobates ou la montgolfière admirée dans "Rigoletto" de Verdi il y a deux ans.

Une feuille géante comme décor

Ici, le décor unique représente une immense feuille de papier japonais froissée de 300 tonnes, 23 mètres de haut et 33 mètres de large. Les chanteurs et chanteuses évoluent dans ses plis, comme sur un sentier de montagne en zigzag. Le chœur entre et sort par des portes dérobées avec des ombrelles ou des éventails, formant de très belles images. Des projections vidéo, comme des pétales de fleurs de cerisier qui tombent ou des sommets de montagnes dans la brume, animent le décor.

Les costumes sont sobres eux aussi: d’inspiration japonaise pour le chœur, de couleurs vives pour le marin Pinkerton et sa femme, ou le consul américain Sharpless, et une longue robe blanche teintée de rose ou de bleu pour Madame Butterfly. Le tout donne un spectacle convaincant, émouvant et esthétique.

"Madame Butterfly" de Giacomo Puccini sur la scène du Festival de Bregenz en 2023. [Festival de Bregenz - Karl Forster]
"Madame Butterfly" de Giacomo Puccini sur la scène du Festival de Bregenz en 2023. [Festival de Bregenz - Karl Forster]

Un tragédie japonaise

Du côté du livret, "Madame Butterfly" raconte l’histoire tragique d’une Japonaise qui épouse un lieutenant américain de la Navy de passage à Nagasaki au début du XXe siècle. Cio-Cio San, ancienne geisha que l’on appelle "Butterfly", renie sa famille et sa religion pour se marier avec cet homme qu’elle aime profondément. Mais son mari, B. F. Pinkerton, n’est hélas pas aussi épris qu’elle. Pour lui, il s’agit plutôt d’un divertissement empreint d’exotisme.

Après le retour de Pinkerton aux Etats-Unis, Butterfly accouche d’un garçon. Elle attend désespérément le retour de son bien-aimé en scrutant chaque jour les navires qui entrent dans la baie. Mais lorsque le lieutenant réapparaît 3 ans plus tard, c’est au bras de sa nouvelle épouse américaine. Butterfly accepte alors de confier au couple son fils afin de lui offrir une vie meilleure. Puis, désespérée d’avoir tout perdu, elle se tue.

Véritable tragédie d’une grande puissance dramatique, "Madame Butterfly" comporte un rôle-titre exigeant, qui gagne en intensité au fil de l’opéra pour passer des effusions de la passion à l’acceptation de son destin. Sur une scène immense comme celle de Bregenz, transmettre ces émotions constitue un défi de taille. La soprano Anna Princeva qui interprète Madame Butterfly en alternance avec Elena Guseva et Barno Ismatullaeva, l'a relevé avec brio, tout en sensibilité mais avec puissance et maîtrise. Le chef Enrique Mazzola, en résidence, dirige les Wiener Symphoniker depuis une salle située dans le bâtiment attenant.

Pinkerton, le consul américain Sharpless et le choeur de "Madame Butterfly" au Festival de Bregenz en 2023. [Festival de Bregenz - Karl Forster]
Pinkerton, le consul américain Sharpless et le choeur de "Madame Butterfly" au Festival de Bregenz en 2023. [Festival de Bregenz - Karl Forster]

L'orchestre reste au sec

Depuis quelques années, l’orchestre joue en effet à l’abri des intempéries dans une salle du Palais du festival, ce qui permet au spectacle d’avoir lieu même en cas de pluie. Mais la distance entre le chef et la scène constitue une gageure technique puisqu'on ne saurait tolérer de décalage entre l’orchestre et les solistes. Le son est transmis en simultané dans les dizaines de haut-parleurs installés sur les mâts qui entourent le public et sa qualité est inattendue pour une installation de cette taille: aucun décalage de son et une amplification des solistes qui ne dénature pas l'oeuvre, même si l'on peut regretter que l’orchestre couvre parfois les voix dans certains passages.

Le public, quant à lui, n’est pas couvert et est installé sur des gradins métalliques assez raides sur lesquels on peut asseoir près de 7000 spectateurs par soir. D'ici quelques jours, l’imposant décor sera démonté et remplacé par celui de "Der Freischütz" de Carl Maria von Weber. L'opéra sera joué deux étés de suite sur la scène du lac à Bregenz et suivi dès 2026 par "La Traviata" de Verdi.

Melissa Härtel

"Madame Butterfly" de Giacomo Puccini, à découvrir encore les 15, 16, 18, 19 et 20 août 2023 à Bregenz (Autriche).

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