Les débuts du jazz racontés dans "Moi Banjo, si je vous disais" de Michel Rod

Michel Rod ne s'est jamais ennuyé et apprécie de pouvoir s'intéresser à beaucoup de choses différentes. Lausannois, professeur de biologie, musicien, programmateur pour plusieurs clubs de jazz et autres événements, spécialiste de gestion pour programmes humanitaires, écrivain; voilà qui pose l'éclectisme et la polyvalence en valeurs sûres!

Un de ses précédents livres parlait des peintres vaudois, le suivant du rôle des universités palestiniennes en territoires occupés, suivi d'un ouvrage pédagogique richement illustré intitulé "Les cétacés en questions" (2007, éditions de la Société Suisse des Cétacés).

Passion pour le vieux jazz

Aujourd’hui, avec "Moi Banjo, si je vous disais", l’auteur nous convie à partager le point de vue ou plutôt le point d'écoute du banjo qu’il pratique de longue date. Nouveau virage, subordonné à cette passion qui le nourrit: celle du jazz, du "vieux" jazz, celui des pionniers et pionnières de La Nouvelle-Orléans qui devront migrer vers les villes du Nord des USA dans un second temps.

Une époque où la fusion des cultures se faisait dans un port qui a vu transiter l'essentiel des esclaves venus d'Afrique, d'immigrants fuyant toutes les misères en apportant toutes et tous un bagage culturel qui les aidera à survivre et donnera à la musique moderne des couleurs qu'elle n'avait jamais connues auparavant.

Le banjo de Michel Rod ne nous parle pas de la dureté de vie de ces gens. En revanche, par le principe de narration, on rencontre celles et ceux qui ont posé les bases de la musique nord-américaine. Sur scène plutôt, ou pas loin. Dans un bordel parfois, car c'est là que le jazz s'est mâtiné, sur des bateaux aussi, le long du Mississippi.

Un banjo romantique

Le récit enchaîne les rencontres, les anecdotes, les rythmes et poésies absolues des stars de ce jazz qui en fin de compte garde sa part de mystère, tout en rayonnant dans le monde entier les principes de son fonctionnement musical. On découvre que ce banjo-narrateur, appelons-le comme ça, est émotif et romantique, toujours prêt à assurer la propulsion d'une section rythmique au service des danseurs et des improvisateurs. Mais il peut aussi tomber amoureux d'une chanteuse ou d'une pianiste qui a su dialoguer avec lui.

La jeune pianiste Lil Hardin, aux doigts agiles et gracieux comme des elfes, était si charmante que je voyais le beau Louis lui faire les yeux doux. Si seulement elle avait été banjoïste plutôt que pianiste, elle m’aurait tenu dans ses bras gracieux, posé contre son corps et fait sentir les pulsions jazzistiques de son cœur.

Louis... Armstrong, naturellement. C'est comme un certain Miles après lui, on ne dit que leur prénom parce qu'ils ont changé l'histoire.  Au début du XXe siècle, les pionniers sont le trompettiste Buddy Bolden (dont on ne possède aucun enregistrement), l'intemporelle chanteuse Billie Holiday, l'excellent banjoïste Johnny St.-Cyr, le truculent pianiste et compositeur Fats Waller, pour ne citer qu'eux.

Si vous ouvrez "Moi Banjo, si je vous disais", il y a beaucoup de chances que le banjo de Michel Rod vous fasse aimer ces figures après lesquelles la musique est devenue autre, magique, parce qu'elle leur permettait d'être eux-mêmes. Et vous n'aurez plus qu'à suivre les suggestions de la discographie sélective proposée par l'auteur. Vous n'en reviendrez pas, si ce n'est épanoui par tant de chaleur et de rythme.

Ivor Malherbe/sc

_{Michel Rod, "Moi Banjo, si je vous disais", ed. de l’Aire.}

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