L'icône du cinéma français, cinq César à son actif, revient à la chanson quarante ans après un emblématique voyage avec Serge Gainsbourg, qui l'avait laissée noyée au fond de la piscine dans un petit pull marine.
Au fil de "Bande originale", Isabelle Adjani déroule, par l'entremise de duos, quinze ans de rencontres pour dessiner un parcours sentimental personnel et fantasmé. Un disque singulier, voulu romanesque et cinématographique, qui atteint ses objectifs. Même si l'on pouvait craindre le pire avec un Pascal Obispo généralement peu aventureux et plutôt sirupeux en chef d'orchestre initial, il a été rejoint en cours de production par l'électronicienne Cécile DeLaurentis.
Le casting vocal qui accompagne finalement la BO de la vie amoureuse d'Adjani est étourdissant: des défunts Christophe, Daniel Darc ou Philippe Pascal du groupe Marquis de Sade aux vivants Daho, Biolay, Seal, Youssou N'Dour, Akhenaton ou Gaëtan Roussel.
"Chanter la tristesse m'a rendue heureuse"
"Chanter a quelque chose de thérapeutique, davantage que jouer. Mes interprétations au cinéma ont souvent été très pénétrantes, dérangeantes et difficiles par rapport à un état d'équilibre, de bien-être. Ce n'est pas ce qu'on recherche dans la vie. Mais chanter, c'est aller mieux, c'est envoyer des messages de réjouissance à son cerveau. Plutôt que de pleurer, je suis allée chanter des larmes, chanter la tristesse en studio et cela m'a rendue heureuse", explique à la RTS Isabelle Adjani.
Ces duos virtuels en réalité, car ils n'ont jamais été interprétés simultanément, déroulent un film sonore sinueux et en clair-obscur entre rencontres, passions, disputes, déceptions et rupture.
La bande sonore volontiers hantée accueille autant des cordes que des instruments traditionnels japonais et des machines électroniques pour tisser des atmosphères mystérieuses et suspendues proches de l'univers de Massive Attack.
Le chant d'Adjani est davantage un souffle et un murmure, exactement ce qu'aimait déjà Gainsbourg à l'époque de "Pull marine" en 1983. Et le contraste créé avec les voix masculines incarnées invitées permet un bon équilibre.
Sur les quatorze titres finalement très inégaux composant "Bande originale", mention particulière toutefois aux trois duos d'outre-tombe et au titre avec Biolay intitulé "Il ne manque plus que tu me manques".
Olivier Horner
Isabelle Adjani, "Bande originale" (Parlophone).