AFP - Maria Callas nourrit les pigeons de Trafalgar Square le 4 février 1957 à Londres. Elle se produit alors dans "Norma" de Bellini au Royal Opera House de Convent Garden.
Introduction
La diva d'origine grecque Maria Callas aurait eu 100 ans ce 2 décembre 2023. Retour sur le destin mouvementé, et pas toujours heureux, de cette "prima donna assoluta" qui a sans conteste bouleversé l'art lyrique.
Chapitre 1
Un destin chahuté
AFP - Maria Callas à la Scala de Milan le 8 septembre 1959, pendant l'enregistrement de "La Gioconda" de Ponchielli./ Erio Piccagliani
Légende du XXe siècle, immense diva, inoubliable chanteuse, soprano d'exception, les qualificatifs ne manquent pas pour désigner Maria Callas, née à New York il y a exactement un siècle.
Admirée et parfois honnie, elle ne laisse certainement pas indifférent. Charismatique et rayonnante, la soprano était une personnalité fascinante dotée d'un caractère explosif. De son enfance modeste au sein d'une famille désunie, retour sur sa vie, qui fut loin d'être un long fleuve tranquille.
Chapitre 2
Une enfance difficile
AFP - Les lunettes de Maria Callas exposées dans le musée qui lui est consacré à Athènes, en Grèce./ Thanassis Stavrakis
Née Cecilia Sophia Anna Maria Kalogeropoulos le 2 décembre 1923 à New York dans une famille d'origine grecque, la future Maria Callas vit une enfance modeste. Gênée par son poids et son importante myopie, elle pense que sa mère lui préfère sa grande soeur, Jackie.
Vérité ou exagération? Difficile de trancher. Mais le fait est que les relations entre l'artiste et sa mère n'ont jamais été vraiment légères. "Je ne pouvais me sentir aimée que lorsque je chantais", dira-t-elle plus tard.
Malgré tout, il y a consensus sur le fait que sa mère, dotée d'une importante ambition, a joué un rôle décisif dans la carrière de sa fille. C'est elle également qui lui a fait entendre et découvrir beaucoup de musique. Excellente élève, la jeune Maria, très travailleuse et appliquée, est aussi dotée d'une belle voix.
Chapitre 3
Retour en Grèce
Keystone - En 1952, Maria Callas chante dans "Macbeth" de Verdi à la Scala de Milan.
Après la séparation de ses parents, Maria déménage à Athènes avec sa mère et sa soeur. Elle entre en 1939 en classe de chant au Conservatoire d'Athènes.
Mais c'est en 1947 à Vérone, en Italie, que s'ouvre véritablement sa carrière. Elle tient le rôle-titre de "La Gioconda" d'Amilcare Ponchielli dans les arènes et fait chavirer le coeur des Italiens. En particulier celui du mécène et industriel Giovanni Battista Meneghini, de vingt-huit ans son aîné, qui devient d'abord son agent puis son mari. Sous son égide et avec le soutien du chef Tullio Serafin, Maria Callas devient célèbre, ses cachets prennent l'ascenseur. Son ascension est fulgurante.
De Wagner à Bellini en quelques jours
En 1949, elle chante à la Fenice le rôle de Brünnhilde, déesse puissante et guerrière dans "La Walkyrie" de Richard Wagner, l'un des rôles les plus lourds et l'un des plus brillants du répertoire. Dans le même théâtre se donne "I Puritani" de Bellini, dont la soprano, Margherita Carosio, tombe brusquement malade.
Tullio Serafin demande à Maria Callas de la remplacer au pied levé, ce qu'elle accepte après quelques hésitations. La critique est épatée et l'artiste découvre son véritable univers, celui du bel canto romantique italien, où elle s'affirme de façon incomparable, ressuscitant un type de voix dramatique, mais capable de souplesse et de virtuosité.
Elle débute à la Scala de Milan en 1950 avec ses compositeurs de prédilection: Rossini, Bellini, Verdi, Donizetti. Le rôle qui la rend célèbre est sans conteste celui de Norma dans l'opéra du même nom.
Avec Leonard Bernstein à la Scala
"Cette femme produit de l'électricité sur scène. Dans 'Medea', c'est une centrale électrique", aurait dit d'elle le chef d'orchestre Leonard Bernstein, âgé d'à peine 35 ans, qui dirige l'oeuvre de Cherubini.
Ensemble, ils connaissent le succès en 1953 à la Scala de Milan, le futur centre artistique de la chanteuse. "C'était parfait. Elle comprenait tout ce que je voulais, et je comprenais tout ce qu'elle voulait", dit le jeune maestro. A la fin de la soirée, selon Bernstein, le public est déchaîné.
Sur scène, elle apporte de l'émotion. On loue non seulement sa voix, capable de couvrir trois octaves (non sans heurts, ce qui lui attire des critiques), mais aussi son jeu d'actrice. Pour ressembler au mieux à ses héroïnes d'opéra, elle se soumet à un régime drastique, perdant trente kilos en deux ans. Dès la fin 1954, elle intéresse couturiers et gazette people.
Lorsque la diva fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York en "Norma" de Bellini en 1956, les fans d'opéra et de la chanteuse passent des jours entiers à l'extérieur pour obtenir des places debout bon marché, rapporte un contemporain. Onze fois, le public applaudit la soprano pour qu'elle revienne sur scène à la fin de la représentation.
Chapitre 4
Le "scandale" romain
Keystone - Maria Callas pendant la répétition de "Médée" de Cherubini au Royal Opera House de Convent Garden, à Londres, en 1959.
Le 2 janvier 1958, Maria Callas doit chanter à l'opéra de Rome en présence du président de la République italienne. Elle est souffrante depuis plusieurs jours, mais aucune doublure n'a été prévue pour la remplacer. A la fin du premier acte de "Norma", après être parvenue tout de même à chanter le fameux "Casta Diva", elle affirme avoir perdu sa voix et refuse de poursuivre. Le public dénonce un caprice de l'ombrageuse diva.
Quelques instants plus tard, elle s'explique "avec volubilité" devant la presse: "A la fin du premier acte, je suis devenue aphone. Comme vous pouvez le constater, je ne peux plus parler".
Chapitre 5
Onassis et le déclin
AFP - Maria Callas avec le ténor Renato Cioni (à gauche) et le baryton Tito Gobbi durant une répétition de "Tosca" de Puccini le 18 février 1965 à l'opéra de Paris.
Peu à peu cependant, sa voix se détériore et la cause de ce déclin continue à faire débat. Certains spécialistes incriminent sa perte de poids et par conséquent d'appui, d'autres le fait d'avoir trop forcé sa voix dans les aigus, ou dans les graves, trop tôt dans sa carrière. En 2010, des chercheurs italiens affirment que Maria Callas était atteinte d'une maladie auto-immune qui aurait détérioré ses cordes vocales et précipité son décès. Mais qu'importe, en réalité.
Dès les années 1960, occupée par sa relation avec le milliardaire grec Aristote Onassis, elle se désengage progressivement de la scène lyrique. Le 20 février 1965, elle triomphe cependant à Paris dans "Tosca" de Puccini.
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Le journaliste de l'AFP présent sur les lieux témoigne de la ferveur du public pour la cantatrice "plus sensible que jamais, même si elle manque parfois d'ampleur. Dès qu'elle est apparue dans l'église du premier acte, en robe rose, couverte d'une vaste écharpe tango, les bras chargés de fleurs, les applaudissements furent tels qu'ils couvrirent la musique et que les premières répliques furent inaudibles", écrit-il.
La diva se retire définitivement du monde lyrique en 1965 à Londres, après une représentation devant Elisabeth II.
En 1969, elle tourne le film "Médée" sous la direction de Pier Paolo Pasolini, donne des cours et quelques récitals, et accompagne jusqu'à sa mort Onassis qui avait fini par épouser plutôt Jackie Kennedy. Elle s'éteint mystérieusement en 1977, à l'âge de 53 ans, à son domicile parisien.
Chapitre 6
Son héritage
AFP - L'exposition "Maria Callas in Scena" à la Scala de Milan en 2017./ MARCO BERTORELLO
Cent ans après sa naissance, les hommages sont nombreux à être rendus à cette personnalité fascinante. Fin octobre 2023, un musée consacré à l'artiste a ouvert ses portes à Athènes. Il présente plus de 1300 pièces, dont un album scolaire de Callas, des livres et des partitions, des robes d'opéra et des photographies.
A la Scala de Milan, une exposition à découvrir jusqu'au 24 avril 2024 fait le portrait de la cantatrice à travers des créateurs contemporains. Par ailleurs, "Maria", un biopic de Pablo Larrain avec Angelina Jolie, a été tourné cet automne à Paris.
Les admirateurs et admiratrices de Callas, quant à eux, n'auront pas attendu le centenaire pour célébrer "La divine". Ils restent nombreux de par le monde, admirant tout à la fois sa voix, son art du bel canto et son incomparable théâtralité.