LES CHOIX D'OLIVIER HORNER
Blur, "The Ballad of Darren"
On n'attendait rien, voire on craignait le pire du retour de Blur. Mais finalement, c'est assurément l'une des réjouissantes surprises de l'année écoulée. "The Ballad of Darren", neuvième album du quatuor, a l'art de façonner les clairs-obscurs en déployant tour à tour mélancolie et luminosité, avec en prime de somptueux arrangements. Une pop raffinée au spleen assumé au coeur de laquelle le chant nonchalant de Damon Albarn fait merveille.
Gaz Coombes, "Turn the Car Around"
Sans doute le meilleur enregistrement en solo de l'ex-voix criarde de Supergrass. Malgré sa brièveté, cet album affiche une classieuse tenue. Les mélodies et tonalités s'avèrent subtiles. Les touches soul avec des choeurs féminins, celles plus folk, rock, voire électro permettent aussi d'habiles variations dans le répertoire du songwriter. Les ballades tout comme quelques embardées et crescendo plus psychédéliques sont aussi exemplaires. Gaz Coombes réussit ici à arborer un spleen lumineux.
PJ Harvey, "I Inside the Old Year Dying"
Depuis "Dry" (1992), l'Anglaise à la voix de braise a régulièrement su se réinventer. Dans ce dixième album rock habité, mais peu hospitalier de prime abord, PJ Harvey privilégie les atmosphères sonores - labyrinthique et fantomatique - pour accompagner des textes découlant d'un long poème qu'elle chante dans un anglais réinventé. L'interprétation ensorcelante de PJ Harvey finit par réussir à imposer une grisante étrangeté à ce curieux répertoire.
Slowdive, "Everything is Alive"
Cinquième album pour ce mythique groupe qui s'était séparé dans les années 1990. Etiqueté shoegaze dans l'ombre de Ride et My Bloody Valentine, le répertoire de Slowdive adore toujours que sa mélancolie repose sur des guitares saturées et des pédales d'effets, des mélodies cotonneuses efficaces et des voix éthérées. Une formule et une signature que les Anglais reconduisent avec brio ici. Le pop-rock de "Everything is Alive" est très enveloppant. Malgré le chant distant et parfois murmuré, les morceaux souvent intimistes s'avèrent paradoxalement très incarnés.
Queens of the Stone Age, "In Times New Roman..."
Bien que moins ouvertement abrasif et de plus en plus enclin aux mélodies pop, Queens of the Stone Age continue de bien mûrir. Le groupe américain emmené par la voix versatile de Josh Homme privilégie sur ce huitième album une alternance entre saillies rock sauvages et fulgurances pop, avec le groove comme ligne directrice. Malgré quelques péchés mignons en termes d'enluminures orchestrales, le répertoire de Queens of the Stone Age reste aussi vénéneux que contagieux.
The Psychotic Monks, "Pink Colour Surgery"
Les compromis ne sont plus à l'ordre du jour. Dans leur troisième album, The Psychotic Monks ont fait le choix de pousser l'expérimentation rock dans ses derniers retranchements. Le groupe français décapsule de longs morceaux sinueux et évolutifs, visitant tant le rock industriel que la no wave électronique, le post-punk et le post-rock. Ce répertoire qui oscille entre effets hypnotiques et chaotiques, lenteur et frénésie, finit par souffler un vent de fraîcheur dévastateur que les Américains de Sonic Youth n'auraient pas pu renier.
LES CHOIX D'YVES ZAHNO
Zaho de Sagazan, "La symphonie des éclairs"
C'est la révélation francophone de 2023. Alors qu'elle n'avait sorti jusque-là que trois chansons, son nom circulait déjà partout. Encensée autant pour son croisement d'électro et de chanson que par son timbre grave, une voix âgée dans un corps de 23 ans. Rappelant Barbara, Brel, Stromae ou Depeche Mode, ses textes pointent le prédateur pervers narcissique, mais appellent aussi à la réconciliation avec les garçons.
>> A lire aussi : Zaho de Sagazan se révèle dans "La symphonie des éclairs"
Cautious Clay, "Karpeh"
Le multi-instrumentiste chanteur, flûtiste, saxophoniste de 30 ans livre un superbe album riche et intense, dévoilant ses racines jazz entremêlées de pop, de funk et d'expérimental. Avec des sonorités parfois proches de Fela Kuti et son génial batteur Tony Allen, du jazz-funk psychédélique du batteur Billy Cobham ou encore du saxophoniste Michael Brecker. Outre le célèbre label de jazz Blue Note qui le signe, Cautious Clay attire l'attention et les collaborations: Billie Eilish, Taylor Swift, John Legend, Anderson .Paak ou Kavinsky.
Puma Blue, "Holy Waters"
Le musicien et chanteur anglais de 28 ans à la voix d'ange est un insomniaque notoire. Et heureusement (pour nous), la nuit inspire Puma Blue à merveille dans ce deuxième album fin, doux et puissant tout à la fois. Puisant autant chez Jeff Buckley dont il ne tarit pas d'éloges que chez les Red Hot Chili Peppers, D'Angelo, Massive Attack et Radiohead, dont il est un grand fan, Puma Blue chante la mort, évoquant sa mère, sa grand-mère, mais aussi l'amour. Une musique sublime aux frontières du jazz, du rock et du trip-hop qui hante, une gravité sans lourdeur et une magnifique voix de falsetto.
Black Pumas, "Chronicles of a Diamond"
Certains considèrent le duo américain d'Austin au Texas comme les dignes représentants de la soul du XXIe siècle. Après le succès phénoménal en 2019 de leur premier opus, sept nominations aux Grammys, vendu à plus d'un million d'exemplaires, suivi de tournées internationales à guichets fermés, le groupe poursuit sa route soul-funk inspirée de Marvin Gaye à Curtis Mayfield, avec cette fois une touche de psychédélisme digne de Sly Stone, avec toujours cette voix incroyable.
>> A lire aussi : La soul moderne de Black Pumas de retour avec "Chronicles of a Diamond"
The Polyphonic Spree, "Salvage Entreprise"
Avec ses allures de secte et sa musique sophistiquée, la formation texane d'une vingtaine de membres - vêtus de longues toges blanches - a fait souffler un vent frais sur la pop dans les années 2000. Le chanteur et fondateur Tim DeLaughter signe le retour très réussi de son groupe The Polyphonic Spree après dix ans d'absence. Dans d'étonnantes chansons à tiroir qui réuniraient à la fois les Beatles, les Pink Floyd, les Beach Boys ou Crosby, Stills & Nash. Du pop-rock choral et exubérant.
>> A lire aussi : Le retour du pop-rock choral grandiloquent de The Polyphonic Spree
Amel Brahim-Djelloul, "Les chemins qui montent"
La célèbre soprano franco-algérienne Amel Brahim-Djelloul, Victoire de la musique classique, rend hommage aux chants berbères de son pays natal. S'inspirant des grands noms du répertoire traditionnel kabyle, la chanteuse lyrique décrit la dure vie en Kabylie, notamment les inégalités et clivages de la société coloniale. Elle évoque aussi l'exil dans les années 1950-1960: la forte émigration masculine des Kabyles, en particulier en France pour trouver du travail. Ce projet touche particulièrement par ce qu'il raconte de sa vie métissée et de celle de millions d'autres en France, alors que le pays est en plein travail de mémoire sur son passé colonial et la guerre d'Algérie.
olhor