Dès sa création en 1911 à Dresde, "Le chevalier à la rose" a été un immense succès pour le compositeur allemand Richard Strauss. Réflexion sur le passage du temps, l'intrigue, qui se déroule à Vienne dans les années 1700, se concentre sur quatre personnages: la maréchale, une trentenaire très noble; son très jeune amant Octavian; son cousin, le rustre baron Ochs, et Sophie, fille d'une riche famille bourgeoise avec laquelle le baron espère se marier.
Mais Octavian va tomber amoureux de Sophie et la maréchale se sacrifier pour que les deux jeunes gens puissent convoler, une fois la jeune fille sauvée des griffes du très désagréable baron Ochs.
L'art du cadrage de Christoph Waltz
Au Grand Théâtre de Genève, on découvre "Un chevalier à la rose" sans projection vidéo, sans effets spéciaux, sans costumes rutilants, malgré quelques bijoux scintillants. Le décor aussi est très simple: de grandes boiseries blanches qui délimitent un intérieur. Au premier acte, il figure la chambre de la maréchale, au deuxième acte, l'appartement de la famille de Sophie, et au troisième, l'auberge dans laquelle l'intrigue va se dénouer. Au centre, quelques meubles. Pas grand-chose en somme.
Acteur viennois célèbre pour ses rôles dans les films de Tarantino, Christoph Waltz met en scène cette production genevoise. Pour cette "Komödie für Musik" (comédie en musique), il a fait le choix de laisser de côté les perruques poudrées et le style rococo souvent associés à cette oeuvre de Strauss pour se concentrer sur sa "précision psychologique", comme l'indique le programme.
Cette manière de faire permet d'apprécier son art du cadrage. Que ce soit au début du premier acte, lorsque la maréchale et Octavian dialoguent dans un lit à baldaquin ou au troisième acte quand cette même maréchale, assise, de profil, campe un personnage noble et hiératique. Christoph Waltz dirige le regard avec force et talent: on a l'impression que les plans de cinéma se succèdent sur la scène. Le jeu est clair, les intentions limpides.
Un opéra plein de paradoxes
Une mise en scène que l'on peut qualifier de "légère", mais pourquoi faire plus lorsque tout est déjà dans la musique de Richard Strauss et le livret de Hugo von Hofmannstahl? Cet opéra est une addition de paradoxes: une musique à la fois avant-gardiste et classique et une intrigue à la fois frivole et profonde. Sa mécanique est parfaitement huilée, elle miroite et se modifie sans cesse, tout en faisant des clins d'oeil à l'histoire de l'opéra du XVIIe siècle, à l'opérette viennoise en passant par Mozart. Et fait, surtout, avancer l'intrigue et l'ouvrage tambour battant.
Mais pour que ça fonctionne, il faut que le plateau vocal soit à la hauteur. C'est le cas: la maréchale de Maria Bengtsson a toute la noblesse requise et un mordoré dans la voix qui dévoile ses sentiments, le baron Ochs de Matthew Rose projette une grossièreté toute falstaffienne. Michèle Losier, qui campe le jeune premier Octavian, est peut-être légèrement en deçà des autres rôles principaux.
L'OSR souvent trop fort
Une mention spéciale à la soprano française Mélissa Petit qui tire très largement son épingle du jeu dans le rôle de Sophie, notamment par sa puissance et par le cristallin de ses aigus qui passent largement la barrière du son de l'orchestre, contrairement à une partie du plateau vocal genevois.
C'est là le point faible de cette production. Riche en timbres et d’un pied leste dans les valses du "Chevalier à la rose", l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) se retrouve très souvent trop fort sous la baguette d'un Jonathan Nott qui n'accompagne pas suffisamment les voix.
Sujet radio: Benoît Perrier
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente
"Le chevalier à la rose", Richard Strauss, à voir au Grand Théâtre de Genève encore les 19, 21, 23 et 26 décembre 2023
Diffusion de cette production dans l'émission "A l'opéra" le 20 janvier 2024 à 19h.