Je me demandais si la musique n’était pas l’exemple unique de ce qu’aurait pu être – s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées – la communication des âmes…
Célèbre écrivain français, Marcel Proust (1871-1922) était un mélomane passionné. Il fréquentait régulièrement les salles de concert, les opéras et tous les hauts lieux de la musique où il était susceptible de découvrir de nouveaux talents et d’enrichir sa culture musicale.
Il plaçait la musique au-dessus de tous les arts. Elle était pour lui une source inépuisable d’émotions et de sensations. Il n’est donc pas étonnant qu’elle occupe une place essentielle dans ses écrits. Elle lui sert de modèle de création et traverse son oeuvre la plus connue, "A la recherche du temps perdu", depuis la sonate de Vinteuil qui apparaît dans "Du côté de chez Swann" jusqu’au septuor de "La prisonnière" et du "Temps retrouvé".
Proust découvre sa passion pour la musique dès son plus jeune âge. Sa mère Jeanne Weil était une pianiste accomplie, et jouait régulièrement du Mozart et Beethoven pour sa famille et ses amis. Comme dans toute bonne famille, elle a veillé à ce que son fils reçoive une excellente éducation musicale. Le jeune Marcel prend ainsi des cours de piano et de composition. Il continuera d’en jouer plus ou moins régulièrement tout au long de sa vie.
Une scène de "La prisonnière" montre le narrateur musicalisant au piano et dévoile un aspect particulièrement personnel de l’auteur:
"[...] je m’assis au piano et ouvris au hasard la sonate de Vinteuil qui y était posée, et je me mis à jouer […]. En jouant cette mesure, et bien que Vinteuil fût là en train d’exprimer un rêve qui fût resté tout à fait étranger à Wagner, je ne pus m’empêcher de murmurer: 'Tristan!', avec le sourire qu’a l’ami d’une famille retrouvant quelque chose de l’aïeul dans une intonation, un geste du petit-fils qui ne l’a pas connu."
L'écrivain se rendait régulièrement dans les salles de concert et d'opéra. Ainsi, il assiste aux premières représentations de "La Walkyrie" de Wagner à l’Opéra de Paris en 1893. A l'instar de nombreux intellectuels et artistes de cette époque, Marcel Proust fréquente aussi les salons mondains de la capitale française. Tenus par des dames de la bonne société, ces salons littéraires et musicaux accueillaient régulièrement des concerts privés auxquels participaient des interprètes de renom. Proust y a rencontré de nombreux artistes et personnalités qui ont inspiré plusieurs personnages de "A la recherche du temps perdu".
Proust reste aussi volontiers chez lui pour écouter de la musique. En 1913, il fait l’acquisition d’un pianola, sorte de piano mécanique à rouleaux. L’instrument fonctionne grâce à un système de pneumatique qui permet de jouer des œuvres pour piano, mais également des réductions orchestrales. Ainsi pouvait-il écouter chez lui des arrangements d'œuvres de Beethoven et de Wagner.
Et quand le pianola ne lui suffisait plus, Proust avait l’habitude d’engager des musiciens pour venir jouer à domicile. Il n’hésitait pas à téléphoner ou à se rendre au domicile de musiciens, même au milieu de la nuit, afin que ceux-ci viennent lui jouer immédiatement un quatuor de Debussy ou de César Franck.
A compter de 1911, alors que la maladie l’empêche de sortir de chez lui, Proust acquiert également un théâtrophone, une invention mise au point en 1881 par Clément Ader qui permet de se raccorder directement aux représentations de l’opéra et des salles de concert parisiennes via une ligne téléphonique. Il peut être considéré comme le premier instrument de diffusion de musique en stéréo.