Evénement inédit d’art lyrique en Suisse romande, In Situ se donne pour mission d’ouvrir de nouvelles voies culturelles et de transgresser les conventions de l’art lyrique. La biennale se déploie jusqu'au 27 septembre dans une ancienne gare marchande à Lausanne, l'espace Amaretto, loin des velours des maisons d'opéra.
Immense volume blanc et gris au béton apparent, l'Espace Amaretto prend place sur 600 mètres carrés, sans sièges fixes. Spectateurs et spectatrices sont invités à déambuler et à vivre le moment comme ils le souhaitent. Chaque soir, trois à quatre événements, concerts ou conférences, sont à vivre au coeur de cet antre industriel.
Démocratiser l'opéra
"Il y avait ce besoin d'ouvrir l'art lyrique à d'autres formes et de sortir des maisons institutionnalisées", indique au 19h30 du 23 septembre le metteur en scène Benjamin David, fondateur de la biennale. "C'est dur de franchir la porte de l'opéra pour la première fois. On se demande comment on va s'habiller, si on y a sa place. Nous avions vraiment envie de démocratiser [l'art lyrique] et de le rendre accessible".
La thématique de la biennale tourne autour de la violence contre les femmes et plus particulièrement des femmes condamnées pour légitime défense. La sociologue Natacha Chetcuti-Osorovitz s'est intéressée à quarante-deux femmes condamnées en France à des peines de moyenne ou longue durée.
"Elle s'est aperçue que trente-cinq d'entre elles avaient subi des violences intrafamiliales ou domestiques, comme si leur acte [qui les a envoyées en prison] était un moyen de dire stop. Certaines disaient que c'était presque un geste de libération", souligne Benjamin David. Spécialiste des violences de genre et de la sociologie carcérale, Natacha Chetcuti-Osorovitz a donné une conférence intitulée "Femmes en prison et violences de genre. Résistances à perpétuité" en ouverture de la biennale lausannoise.
Une expérience lyrique immersive
La biennale propose également plusieurs représentations des "Suppliantes", du théâtre lyrique inspiré d'Eschyle et de l'opéra d'Antonio Salieri "Les danaïdes" composé en 1784. Il raconte l'histoire des cinquante filles du roi Danaüs qui, pour se libérer de leur mariage forcé, tuent leurs époux le soir de leurs noces. Pour cet acte, elles sont condamnées à remplir en enfer et sans fin le fameux tonneau troué des Danaïdes.
"Cet opéra nous a donné la thématique du festival dans le registre lyrique. Il n'y a pas beaucoup d'oeuvres du répertoire dans lesquelles les femmes prennent en main leur destin et passent à l'acte", indique Benjamin David.
Pour rendre facile d'accès ce concert lyrique, "Les suppliantes" est présenté sous forme d'expérience immersive. Le public déambule librement au sein de l’orchestre, des interprètes et de la scénographie. Jonas Descottes est à la tête de l'ensemble musical Les Argonautes, tandis que les rôles principaux sont interprétés par Mariamielle Lamagat (Hypermnestre), Maxence Billiemaz (Lyncée) et Raphaël Hardmeyer (Danaüs). Le chef de choeur Dominique Tille dirige l'ensemble Voix de Lausanne. A la harpe jazz, Julie Campiche complète le casting.
Conférences, concerts, installations, performances et projection de documentaires autour du motto "Penser la violence des femmes" sont également au programme de cette première édition d'In Situ.
Propos recueillis par Julie Evard, Benoît Perrier et Sydney Fierro
Adaptation web: Melissa Härtel
Biennale In Situ, Espace Amaretto, Lausanne, du 21 au 27 septembre 2024.