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Avec "Pafini", Jean-Louis Aubert amorce un nouveau cycle pop

Jean-Louis Aubert, pose durant une session photo à Paris le 4 september 2024. [AFP - JOEL SAGET]
Avec "Pafini", Jean-Louis Aubert amorce un nouveau cycle pop / Vertigo / 16 min. / le 23 septembre 2024
Jean-Louis Aubert est de retour avec un dixième album solo baptisé "Pafini", sorti le 20 septembre. Le début d'une nouvelle aventure pop-rock que le chanteur français promet de prolonger en tournée notamment par d'autres nouvelles chansons. Rencontre à Paris avec l'emblématique ex-leader de Téléphone.

A 69 ans, l'ancien porte-voix de Téléphone apparaît toujours aussi fringant. Dans un hôtel parisien, il reçoit en blouson de cuir sur un training à trois bandes et des Doc Martens noirs pour nous parler de ses onze titres inédits qui avaient été annoncés cet été par le radieux et allègre "Merveille".

Une ritournelle très mélodique qui est désormais accompagnée par un répertoire oscillant entre pop, rock et touches d'électronique, guitares acoustiques et électriques, ainsi que des claviers. Le tout pour aborder à la fois des thèmes de société et des aspects plus personnels de façon très simple, comme souvent chez Aubert. Une simplicité qui lui était d'ailleurs parfois reprochée par le passé, notamment lorsqu'il se voulait dénonciateur.

"Je n'ai pas vu ces critiques, je crois, faudra me les envoyer, s'amuse Jean-Louis Aubert. Quand je lis les paroles de 'Temps à nouveau' ou 'La bombe humaine' de Téléphone, je leur trouve un côté surréaliste intéressant restant pertinent. Ce sont souvent des choses très personnelles qui se transforment en thèmes plus généraux, comme pour 'Un autre monde' où je raconte mon histoire intime, celle d'un chanteur malade et désespéré. Une chanson dont même les partis politiques n'ont retenu que le 'Je rêvais d'un autre monde' utopique".

Genèse exploratoire des chansons

Pas de révolution donc mais un savoir-faire certain pour ce "Pafini" qui compte aussi quelques belles ballades, et dont Jean-Louis Aubert n'est pas certain du point de départ exact: "Demandez à un artiste ce qu'il a voulu faire, il va toujours vous inventer une histoire. Je pense que c'est juste une envie. Au départ, ce ne sont pas des chansons car je fais des instrumentaux et écris dans mes carnets des notes", raconte Jean-Louis Aubert dans l'émission Vertigo du 23 septembre.

Avant d'ajouter: "Après, dans une deuxième étape, les choses commencent à se rencontrer et à prendre forme. Le titre de l'album, d'ailleurs, est dû à une envie de continuer tout le temps. C'est très exploratoire, un peu labyrinthique, mais passionnant. (...) Le tout est ensuite de trier, de savoir un peu où on veut aller, ce qui n'est pas toujours ma spécialité".

"Pafini", comme souvent dans le reste de la discographie en solitaire de Jean-Louis Aubert depuis 1987, résulte ainsi d'un work-in-progress, dont il ne souhaitait toutefois pas faire cette fois un double album comme pour "Roc'Eclair" et son second volet "Hiver" (2010).

Les chansons, j'en ai en permanence qui cognent à la porte. Là, je crois que j'en ai trente autres qui sont prêtes et attendent d'être mixées. Dans cet album, je suis sûr d'ailleurs qu'il y a des idées musicales qui attendaient leur tour depuis une vingtaine d'années

Jean-Louis Aubert, chanteur

En guise de ligne directrice de "Pafini" figure surtout, aux dires d'Aubert, "une grosse envie d'avancer et de ne pas perdre son identité tout en conservant une âme d'enfant". Dans cet esprit d'ouverture fureteuse, il a ainsi mis les onze maquettes de "Pafini" dans les mains de plusieurs générations de réalisateurs et producteurs: Eliott Sigg, 26 ans, multiinstrumentiste et premier prix de Conservatoire, l'orfèvre Renaud Letang, 54 ans, qui avait déjà été son complice sur "Comme un accord" (2001) et "Idéal standard" (2005) et Bernie Grundman, maître en mastering de 81 ans ("Thriller" de Michael Jackson ou "Lovesexy" de Prince).

Quatre générations au chevet de l'album "Pafini"

En comptant encore Jean-Louis Aubert, quatre générations et autant d'écoles sonores se sont au final penchées sur ce "Pafini", avec pour résultat quelques réussites sur plusieurs titres, dont l'enlevé "Merveille", le singulier "L'arbre de la liberté" comprenant une touche hip-hop et gospel et semblant trinquer autant à la vie qu'à la mort lors d'une ultime fête, ainsi que le plus mystique "La chanson qui guérit" inspirée d'une histoire de voix qui aurait signifié à Jean-Louis Aubert que la mer allait le guérir et le guider.

"C'était plutôt une pensée. Je venais d'être opéré du coeur, je sortais de chez le médecin et j'entends ma voix me dire ça. J'ai cherché ensuite en France une maison avec un petit chemin qui descend vers la mer tout en pensant que ça n'existait pas. Finalement, quelqu'un m'a appelé un jour pour m'indiquer une cabane avec un petit chemin qui descend vers la mer et, du coup, ça m'a donné cette chanson", explique le chanteur qui avait déjà vécu une situation similaire avec une guitare de collection de 1941 achetée qui, plutôt que d'être exposée dans son salon, a fait 170 dates d'une de ses tournées solo.

Malformation cardiaque négligée

C'est aussi cette malformation cardiaque trop longtemps négligée et finalement opérée qui lui fait peut-être chanter aujourd'hui que "la vie n'aura été qu'une ligne en pointillé" sur "L'arbre de la liberté", dont la genèse provient de "trois ou quatre chênes plantés à la Révolution française qui sont encore debout et devraient vivre très longtemps".

Aubert en connaît un à la campagne dans un petit village, devant un bistrot. "J'étais assis avec mon amoureuse sous cet arbre de la liberté, j'adore ces deux mots l'un à côté de l'autre, qui font rêver. Une petite fille de 13 ou 14 ans s'est approchée, qui a dit connaître toutes mes chansons par coeur et voulait savoir comment écrire. Elle s'est mise à pleurer et nous avons pleuré tous les trois dans les bras les uns des autres. Je me suis dit alors que cet arbre de la liberté devait être celui de la vie infinie."

Dans ses retranscriptions de ce que lui donne le monde, Jean-Louis Aubert continue d'avoir ainsi tendance à la spontanéité, guidé peut-être par son âme d'enfant curieux de tout ou par l'insouciance de celui qui parcourait les Etats-Unis avec sa guitare à 17 ans en faisant la manche tout en reprenant des tubes des Rolling Stones.

Olivier Horner

Jean-Louis Aubert, "Pafini" (Warner Music). Paru le 20 septembre 2024.

En concert à l’Arena de Genève, le 5 avril 2025.

"Jean-Louis Aubert: le chant des possibles", documentaire de Sophie Lesage. A voir sur Canal+ depuis le 23 septembre 2024.

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