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Clara Ysé et Zaho de Sagazan, des tourbillons de vies sentimentales à Paléo

La chanteuse française Zaho de Sagazan sur la scène Vega du Paléo Festival de Nyon, le 24 juillet 2024. [Paléo 2024 - Anne Colliard]
La chanteuse française Zaho de Sagazan sur la scène Vega du Paléo Festival de Nyon, le 24 juillet 2024. - [Paléo 2024 - Anne Colliard]
Les chanteuses françaises Clara Ysé et Zaho de Sagazan se sont produites mercredi soir au Paléo Festival de Nyon. Ces deux voix féminines qui s'inscrivent dans l'héritage de Barbara frappent par leur singularité et leur contemporanéité musicales, avec l'amour et ses désillusions en toile de fond textuelle.

Dans le sillage de Raphaële Lannadère (L) et de Zaho de Sagazan, Clara Ysé est l'une des dernières arrivées remarquées parmi les héritières de la théâtrale Barbara au sein de la chanson francophone. Voix singulière très expressionniste, elle a cette capacité à évoquer l'intime avec une poétique textuelle finement ciselée.

Mercredi soir au Paléo, le Club Tent est rapidement tombé sous le charme de la chanteuse qui est aussi romancière et poétesse et du répertoire sentimental de son premier album "Oceano Nox" paru en 2023. "Parle-moi un peu peu d'amour", chante-t-elle d'ailleurs d'emblée.

Si sur scène, la force de ses mots qui racontent avec et sans détour la passion amoureuse, mais aussi la violence des sentiments ou la colère, perdent parfois en puissance en raison d'orchestrations trop atmosphériques et diffuses, le charisme vocal de Clara Ysé parvient à recentrer le débat et les ébats que dépeignent ses chansons.

La chanteuse française Clara Yse au Club Tent mercredi soir. [KEYSTONE - VALENTIN FLAURAUD]
La chanteuse française Clara Yse au Club Tent mercredi soir. [KEYSTONE - VALENTIN FLAURAUD]

Arabesques et rage contenue

Batterie, guitare, claviers-machines et saxophone - décidément le must have de cet été scénique 2024 -tissent une partition qui prend volontiers des airs orientalisants, free jazz ou flamenco. "Soleil à minuit" et "Le désert" font ainsi des arabesques rythmiques, jouent de flux et reflux mélodiques pour accompagner les vocalises parfois trop démonstratives de Clara Ysé. Un péché mignon qu'elle chasse aussitôt avec le plus épuré "Douce" tout en rage à peine contenue: "Si tu savais la chienne que je cache à l'intérieur/Tu aurais peur, tu aurais peur".

Plus tard, au terme d'un long passage où Ysé reprend notamment "La Llorona", guitare acoustique en mains sur un tabouret, et chante "Le monde s'est dédoublé", c'est l'inédit "Les rois du désespoir" qui saisit par ses noirceurs splendides. Un bal des paumés au final électro et saccadé qui propulse soudain les corps sur le dancefloor et constitue la meilleure transition possible vers les exultations proposées par Zaho de Shagazan.

Si Clara Ysé n'a pas encore quatre Victoires de la musique à son actif comme cette phénoménale Zaho de Sagazan qui a pris d'assauts électroniques un peu plus tard la scène Véga après avoir renversé le Club Tent l'an dernier à Paléo et à la mi-juin la grande scène de Festi'Neuch, le succès lui tend assurément les bras.

Dantesque Zaho de Sagazan

Moins "barbaresque" vocalement (sauf pour "Les dormantes"), mais complètement dantesque musicalement et traversant tout autant de continents de sentiments, le concert de Zaho de Sagazan se déploie sur une dizaine de titres. Du puissant crescendo rythmique d''"Aspiration" au "Modern Love" de Bowie étrenné en mai au Festival de Cannes et que Nile Rodgers & Chic ont aussi joué peu avant sur la Grande scène, la chanteuse happe le public en un clin d'oeil ou en une "Symphonie des éclairs" pour laquelle un piano à queue se mêle aux choeurs d'un parterre en effervescence.

Combinaison cycliste noire sous une veste bleu roi, la chanteuse orchestre ses chaos intérieurs de long en large de la scène avec sa silhouette qui se dessine parfois en ombre chinoise sur des écrans aux couleurs vives, ne s'accordant que de rares répits derrière son clavier ou assise sur les escaliers menant à ses percussionnistes telluriques.

La chanteuse Zaho de Sagazan était sur la scène Véga mercredi 24 juillet à Paléo. [KEYSTONE - VALENTIN FLAURAUD]
La chanteuse Zaho de Sagazan sur la scène Véga mercredi 24 juillet à Paléo. [KEYSTONE - VALENTIN FLAURAUD]

Au côté de Zaho de Sagazan, on oscille entre la transe dansante des afters techno et la gueule de bois des lendemains festifs, l'ivresse sentimentale et le désenchantement mélancolique. Malgré quelques longueurs parfois (les injonctions de "Dansez"), sa performance aura soufflé un tourbillonnant et ardent vent de folie.

>> A consulter aussi, le dossier consacré au 47e Paléo Festival : Le suivi de la 47e édition du Paléo Festival

Olivier Horner

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