Fantaisies, loufoqueries, trivialités et absurdités restent encore au menu des nouvelles chansons de Philippe Katerine. Avec toujours ces contrepoints pop plus romanesques ou mélancoliques et ces clairs-obscurs plus introspectifs qui contrebalancent sa science de l'humour clownesque.
Dans ce onzième album "Zouzou" qui porte le nom de sa chienne, c'est la crise de la cinquantaine et une sorte de bilan existentiel qui sont cette fois au programme du chanteur français. En dix-sept chansons courtes d'une belle et audacieuse liberté formelle, Katerine réactive les excentricités qu'il a érigées en art majeur depuis "Les mariages chinois" en 1991, mais aussi des considérations plus profondes sur la vie, la mort et le temps qui file.
De mélodies françaises en hip-hop électronique et autotuné via des balades au piano, de la pop plus orchestrée, de la soul de chambre, du saxophone en roue libre ou un prélude de Bach, Katerine n'a aucun complexe à faire, chanter et mélanger ce qui lui passe par la tête. A se mettre à nu aussi, comme notamment dans ce dialogue hilarant avec sa verge âgée ("Que deviens-tu?") ou les promenades de sa bedaine de quinquagénaire sur l'extraordinaire "Nu" qui a fait le bonheur de beaucoup et le malheur de certains lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques à Paris cet été.
Vernis fantasque et émotions
Si l'inspiration est ici familiale, domestique et existentielle malgré les exubérances textuelles, les registres sonores de "Zouzou" sont extravertis et ouverts sur un monde d'hybridations sonores, avec évidemment, comme souvent dans le répertoire de Katerine, plus ou moins de réussite.
C’est en tout cas un onzième album plein de malices et de jeux sur la langue très ludiques, où Katerine réussit même à inviter sur un seul titre une armada de chanteuses francophones actuelles (Angèle, Clara Luciani, Juliette Armanet ou Zaho de Sagazan) grâce aux imitations bluffantes de sa fille ("La chanson d'Edie").
Mais derrière le vernis fantasque de ses chansons, le Vendéen sait aussi saisir l'air du temps qui passe avec clairvoyance, émotion et sans trop de dérision en évoquant, entre autres, la mort ("Joyeux anniversaire", "Bonifacio"), l'amitié ("Chez Philou") ou les souvenirs ("Cinéma"). Au final, l'outrance et la pudeur font plus que bon ménage au sein de "Zouzou".
Olivier Horner
Philippe Katerine, "Zouzou" (Cinq7/Wagram Music). Sorti le 8 novembre 2024.