Entre 1979 et 1987, Quincy Jones et Michael Jackson ont redessiné la face de la pop
Artisan de tubes planétaires, le producteur américain et trompettiste de jazz Quincy Jones a marqué son époque en s'imposant comme un compositeur hors pair, à la carrière multirécompensée. Travailleur éclectique et acharné, Quincy Jones a mis sa patte à plus de 400 disques et a été récompensé de 28 Grammy Awards, accédant au statut de légende vivante.
Homme de l'ombre des plus influents de l'histoire de la musique, c'est au côté du chanteur Michael Jackson à la fin des années 1970 qu'il éclate véritablement au grand jour et au grand public en modelant le son et la production de la trilogie discographique composée de "Off The Wall", "Thriller" et "Bad". Les deux artistes changent alors de dimension et modifient le visage de la pop moderne.
"Off the Wall" (1979)
Quintessence d'un funk blanc à la fois sophistiqué et chatoyant d'un jeune homme de 20 ans au visage pas encore pâle, "Off the Wall" amorce la collaboration la plus rémunératrice de la pop entre le producteur Quincy Jones et le chanteur Michael Jackson. Le cocktail épicé imaginé ici de soul, apprêté de disco, de rock et enrobé d’une certaine guimauve parvient à séduire rapidement loin à la ronde.
Cinquième album solo du roi précoce de la pop, "Off the Wall" constitue surtout un nouveau départ pour Michael Jackson. Et révèle une voix haut perchée quelque peu extraterrestre. Un mutant du funk qui délivre notamment l'irrésistible rouleau compresseur qu'est "Don't Stop 'til You Get Enough".
L'autre recette miraculeuse de cet album reste "Burn This Disco Out", dont la partition mélange Giorgio Moroder au funk de Earth, Wind & Fire et au Phily Sound. Un titre signé par l’Anglais Rod Temperton (ex-Heatwave) à qui l'on doit aussi l'imparable scie qu'est "Rock With You". Enfin, le tube imparable "Blame It On The Boogie", où Jones emballe la voix de Jackson de somptueuses harmonies vocales, parachève ce premier ensemble qui fera date.
"Thriller" (1982)
Trois ans après "Off The Wall", la paire récidive pour ce qui reste toujours l'un des plus grands albums de l'histoire de la pop moderne. Ne serait-ce que par l'ampleur de ses ventes, plus de 104 millions, l'incunable "Thriller" de Michael Jackson reste une œuvre hors norme. Cet album produit par Quincy Jones fait partie d'une trilogie phonographique qui a couvert et marqué les années 1980. Un triptyque inouï, dont "Thriller" est l'authentique pierre angulaire.
Le roi de la pop se rêvait Beatle noir, ses chansons confirment ses ambitions. Un clin d'œil à "Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band" en intro de "Billie Jean", un duo avec Paul McCartney sur "The Girl Is Mine", Jackson et Jones démontrent ici en neuf morceaux leur volonté de synthétiser les racines musicales noires et blanches.
Et "Thriller" pulvérise absolument tout sur son passage quand tour à tour le groove infernal de "Beat It" comprenant la guitare heavy metal d'Eddie Van Halen, "Wanna Be Startin' Somethin’", "Human Nature", "P.Y.T. (Pretty Young Thing)" et enfin le monumental "Thriller" prennent le relais de "Billie Jean". Michael Jackson et Quincy Jones réalisent ici un coup de maître absolu, érigé depuis en mythologie pop.
"Bad" (1987)
Au-delà du fait que "Bad" n'a cessé de souffrir de la comparaison avec les deux précédents albums novateurs de Michael Jackson, le disque achève tout de même très brillamment la collaboration avec Quincy Jones. Et permet à Bambi de s'affranchir définitivement de la tutelle Jackson 5.
Cinq titres de "Bad", où la science et la magie du détail dans les arrangements de Jones opèrent, marquent particulièrement les esprits, outre la démentielle chanson éponyme avec ses orgues fous: "The Way You Make Me Feel", le troublant "Man in the Mirror" et le très puissant "Dirty Diana", trésor en matière d’agencement sonore.
Un album "en béton" comme dira Quincy Jones, qui correspond aussi au départ de la propagation planétaire du virus "Moonwalker".
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Olivier Horner