"Notre père, au bout d'une vie pleine, riche et intense, s'est endormi paisiblement le 11 juin", ont indiqué dans un mail les filles de l'artiste lyrique Eric Tappy.
Ce Vaudois, père de la poétesse et éditrice José-Flore Tappy, a été l'une des plus grandes voix romandes de la seconde moitié du XXe siècle. Applaudi du Grand Théâtre de Genève jusqu'au Festival de Salzbourg, Eric Tappy a été un magnifique chanteur d'opéra (notamment dans Mozart) et d'oratorio, mais il n'était de loin pas que cela.
De l'enseignement à la musique
Né à Lausanne le 19 mai 1931, il opte, adolescent, pour l'enseignement, en étant élève de l'Ecole Normale. Mais en 1951, il décide d'entrer au Conservatoire de Genève dans la classe de Fernando Carpi; puis il se perfectionnera auprès d'Ernst Reichert à Salzbourg, et de Nadia Boulanger à Paris.
Dès 1956, il développe une importante activité dans les salles de concert, en prenant part notamment à la création du "Mystère de la Nativité" de Frank Martin à Genève en décembre 1959. Lors de la réouverture du Grand Théâtre de Genève le 10 décembre 1962, il campe le petit rôle du Comte de Lerme dans le "Don Carlos" de Verdi. Il entre ainsi dans la troupe de ce théâtre où, pendant onze ans, il se forgera son répertoire en ébauchant ses personnages mozartiens, et ses rôles majeurs. Il y assumera aussi de nombreuses créations, "Monsieur de Pourceaugnac" et "La Tempête" de Frank Martin, "La Mère coupable" de Darius Milhaud.
Une carrière internationale
Parallèlement, sa carrière internationale décolle. "Zoroastre" de Rameau à Bordeaux et à Paris, "L'Orfeo" de Monteverdi au Festival de Drottningholm, "Le Couronnement de Poppée" du même Monteverdi à Hanovre. A partir d'août 1970, il s'impose au Festival de Salzbourg où il triomphera notamment en Tamino de la "Flûte enchantée", quand Aix-en-Provence découvre aussi son Tamino et Titus dans "La Clemenza di Tito" de Mozart, un ouvrage qui le fera débuter au Covent Garden de Londres en avril 1974.
Pour ses débuts à San Francisco en septembre 1975, il incarne Néron du "Couronnement de Poppée", un personnage qui l'imposera à Zurich dans la production Ponnelle-Harnoncourt avec laquelle il débutera ensuite à Edimbourg et à la Scala de Milan.
A 50 ans, il quitte la scène
Entre février et juillet 1981, il personnifie encore un premier Lucio Silla à Zurich et un ultime Néron à San Francisco, avant de décider de quitter la scène à l'âge de 50 ans. Il se consacre alors à l'enseignement du chant dans le cadre de l'atelier d'interprétation vocale et dramatique de l'opéra de Lyon dont il est le créateur, puis sous les auspices de la Haute École de musique de Genève.
En 1994, il a été nommé officier de l'Ordre français des arts et lettres. En 2007, il a reçu le Prix culturel de la Fondation Leenaards et, quatre ans plus tard, la Médaille d'or de sa ville natale de Lausanne.
En 2011, Eric Tappy célèbre ses 80 ans avec notamment la sortie d'un livre qui lui est consacré, intitulé "Eric Tappy, l'enchanteur", signé de la journaliste et mélomane Myriam Meuwly, décédée juste après avoir rendu ses derniers textes.
Le 11 juin dernier, le ténor a tiré son ultime révérence à l'âge de 93 ans. Sa voix claire et sa diction irréprochable resteront un modèle de technique et d'élégance.
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