"Maman est partie": c'est par ces simples mots sur ses réseaux sociaux, avec une photo de lui enfant auprès de sa mère, que son fils Thomas Dutronc a officialisé la nouvelle tard mardi soir.
Françoise Hardy était l'unique représentante de la France dans le classement des 200 meilleurs chanteurs de tous les temps publié en 2023 par le magazine américain Rolling Stone.
Le cancer était apparu dans sa vie dès 2004, prenant plusieurs formes et lui faisant vivre un cauchemar. Férue d'astrologie, elle parlait sans détour de son cancer et de l'idée de la fin. Ainsi avouait-elle à Paris Match en 2023 qu'elle voulait "partir bientôt et de façon rapide, sans de trop grosses épreuves, comme l'impossibilité de respirer".
Succès à 18 ans
Elevée avec sa soeur à Paris par une mère seule, issue d'un milieu populaire, cette solitaire a forcé son destin, entre sa première guitare demandée à 16 ans et un passage au Petit conservatoire de la chanson de Mireille.
Fin 1961, elle pousse la porte de Vogue en se disant, peu confiante, qu'elle avait plus de chances d'y être signée car elle ne trouvait pas la maison de disque très regardante sur certains habillages sonores.
Une année plus tard, c'est le succès instantané avec ce hit - plus de 2 millions d'exemplaires vendus - "Tous les garçons et les filles", qu'elle a écrit et composé, fait rare à l'époque.
Elle a alors 18 ans et c'est son premier disque. Françoise Hardy perce en pleine vague yéyé, alors même qu'elle ne correspond pas vraiment à cette étiquette. Dans cette période insouciante, sa mélancolie tranche: "Oui mais moi, je vais seule par les rues, l'âme en peine/oui mais moi, je vais seule, car personne ne m'aime".
Ambassadrice de la pop française
En dehors de ce tube, le public garde en mémoire sa voix délicate, mais aussi le couple people intriguant qu'elle forma avec Jacques Dutronc (de leur union naîtra Thomas, également devenu chanteur comme ses parents).
Leur vie conjugale douce-amère imprègnera toute son oeuvre, de "Message personnel", immense succès de 1973, composé avec Michel Berger, à "Personne d'autre", titre du dernier album éponyme en 2018.
Parmi les autres pépites, on peut, entre autres, citer "Le temps de l'Amour" (1962), "Mon amie la rose" (1964) ou "Comment te dire adieu", écrit par Serge Gainsbourg (1968). Ce morceau est une adaptation de "It hurts to say goodbye" par l'Américaine Margaret Whiting.
"Toute ma vie, j'ai été à l'affût des belles mélodies. En écouter me met au septième ciel, confiait-t-elle en 2018 à l'AFP. Les plus beaux thèmes mélodiques sont toujours mélancoliques ou romantiques". Elle disait aussi que chanter ne lui était pas naturel et a rapidement abandonné la scène.
>> A consulter également : A la rencontre de Françoise Hardy, voyage dans la carrière et la vie de "Mademoiselle Hardy" (Archives RTS)
Une égérie de la mode
Mais Françoise Hardy n'était pas simplement une voix délicate. Elle était aussi l'ambassadrice d'une élégance française et pop à l'international, un "idéal féminin" pour Mick Jagger, figure fantasmée pour Bob Dylan ou David Bowie.
Dans les années soixante, son physique androgyne et sa retenue s'éloignaient des formes et de l'exubérance d'une Brigitte Bardot (89 ans aujourd'hui). Elle préfigurait alors les mannequins longilignes qui envahiront bientôt les podiums.
Egérie de mode sans avoir jamais voulu l'être, la chanteuse portera à merveille les robes à lamelles futuristes signées Paco Rabanne. Sa frange (elle arborera plus tard une coupe à la garçonne) fait la une des magazines. L'artiste est d'abord photographiée en France par son petit ami de l'époque, Jean-Marie Périer, puis à l'international par le célèbre William Klein.
agences/asch/aq
Hommages
"Comment te dire adieu", le standard de 1968 de Françoise Hardy, revient mercredi dans les titres de la presse et dans les hommages qui lui sont rendus sur les réseaux sociaux.
"'Comment lui dire adieu' ?", interroge ainsi Emmanuel Macron dans un communiqué. "Le Président de la République et son épouse saluent en elle une idole des jeunes devenue une icône de la chanson française."
Même question pour Rachida Dati, ministre de la Culture, qui rend hommage sur X à une "légende de la chanson française".
"Icône française, voix singulière à la tranquillité farouche, Françoise Hardy aura bercé des générations de Français pour qui elle restera ancrée dans des moments de vie", salue le Premier ministre français Gabriel Attal.
Très proche de la chanteuse, Etienne Daho l'a accompagnée dans ses derniers instants: "La télé muette diffusait des images rétrospectives de ton incroyable parcours alors que tu étais allongée dans la chambre. Situation surréaliste. Toi qui aimais tant rire, cela t'aurait amusée".
"Bouleversée", Brigitte Bardot, 89 ans, rend grâce à sa "noblesse", sa "beauté", son "talent lumineux" et "cette élégance qu'elle a diffusés tout au long de sa vie".
"Quelqu'un que j'aimais infiniment vient de partir", confie le chanteur Julien Clerc. Souvent comparée à son aînée, la chanteuse Clara Luciani est, elle, "inconsolable" sur France Inter.
"L'élégance" de ses "chuchotements harmonieux résonnera pour toujours dans le coeur des garçons et des filles de tout âge", écrit le musicien Jean-Michel Jarre. Un clin d'oeil à son hit de 1962 "Tous les garçons et les filles".
"Vos chansons n'ont jamais cessé de m'accompagner", se désole pour sa part le chanteur Patrick Bruel.