Une "Traviata" tout en introspection présentée par le Nouvel Opéra Fribourg

Après "Guillaume Tell" l'année passée, le Nouvel Opéra Fribourg propose un autre "tube" pour entrer dans l'an neuf: "La traviata" de Verdi. En trois actes, cet opéra composé en 1853 raconte l’histoire tragique de Violetta, une courtisane qui tape dans l'oeil d'Alfredo, un jeune homme d'une riche famille bourgeoise. C'est le coup de foudre. Les deux amants décident de vivre ensemble, mais le père d'Alfredo demande à la jeune femme de renoncer à cette relation, afin d'éviter un scandale familial.

Sans lui faire connaître la véritable raison de son départ, Violetta le quitte. Atteinte de tuberculose, sa santé décline rapidement. Lorsque Alfredo apprend finalement le sacrifice qu'elle a fait par amour, il vient la rejoindre, mais ne peut qu'assister à son décès.

Une Violetta enceinte

Ecrite d'après le roman d'Alexandre Dumas fils "La dame aux camélias", l’œuvre regorge de grands airs héroïques et bouleversants. Une gageure pour les interprètes et tout particulièrement pour celle qui incarne le rôle de Violetta.

Dans la production à voir actuellement au Théâtre Equilibre à Fribourg, c'est la soprano colorature tchèque Lucie Kankova qui incarne la jeune femme. Une prouesse lyrique, mais également physique pour la chanteuse enceinte de sept mois. Interrogée dans le 19h30 du 29 décembre, elle explique pourtant: "Je chante beaucoup mieux maintenant, car j'ai un bon soutien. Le bébé m’aide vraiment à construire de longues phrases. Ce qui est un peu plus problématique, c'est bien sûr la respiration, parce que le diaphragme et les poumons ne peuvent pas descendre correctement. Je respire simplement un peu plus que d'habitude."

Plutôt que de cacher ce ventre proéminent, la metteuse en scène Tamara Heimbrock a décidé de l'intégrer à sa scénographie. Ainsi, l'œuvre devient doublement tragique, le public assistant à la mort d’une femme qui attend un enfant.  

Se libérer des conventions sociales

Dans cette version fribourgeoise, co-produite avec le Theater Magdeburg (Allemagne), l'intrigue est entièrement vécue du point de vue d'une Violetta tout en introspection, cherchant à se libérer des conventions sociales. Présente sur le plateau du début à la fin, elle vit ou revit les scènes, parfois comme observatrice d'elle-même.

Ainsi, en plus de Lucie Kankova qui chante le rôle, on voit deux autres versions du personnage. Tout d'abord celui d'une femme plus âgée qui "incarne la mort ou la maladie tout en reflétant le futur qui attend Violetta si elle se conforme aux règles de la société", indique le metteuse en scène dans le programme et puis celui d'une petite fille, "symbole de son innocence perdue et de l'espoir impossible d'un avenir meilleur".

Dans un décor sobre et plutôt froid, composé principalement de grandes tentures blanches et des costumes atypiques qui permettent de rendre cette histoire intemporelle, la scénographe a choisi de faire mourir Violetta dans une totale solitude. Si cette fin est bien évidemment tragique, elle laisse également entrapercevoir l'acte de libération que cette mort représente.

Andréanne Quartier-la-Tente

"La traviata", opéra de Giuseppe Verdi, mise en scène de Tamara Heimbrock, avec Lucie Kankova, Anicio Zorzi Giustiniani, Jean-Kristof Bouton. Orchestre de chambre fribourgeois, choeur du NOF, sous la direction d'Enrico Dovico. Théâtre Equilibre, Fribourg, le 31 décembre 2024, puis les 5,10 et 11 janvier 2025.