Pascal Obispo, Grand Corps Malade, MC Solaar, Calogero ou SCH: les vingt têtes d'affiche du festival Sion sous les étoiles 2024 sont tous des hommes. Sur les réseaux sociaux, les critiques s'élèvent, vite relayées par la presse, à l'image du quotidien 20 Minutes. Le rendez-vous musical est accusé d'invisibiliser les artistes féminines.
Michael Drieberg, le patron du festival, s'en défend. Rappelant que Sion sous les étoiles ne dispose que d'une scène, il affirme avoir besoin d'artistes "pouvant attirer au minimum 8000 à 10'000 spectateurs". "Il y a très peu de femmes qui attirent autant de monde et malheureusement, celles que nous avons contactées n'étaient pas disponibles sur nos dates", affirme-t-il.
Accompagner le changement
Pourtant, les artistes féminines de grande ampleur existent bien, assure Dominique Rovini, à la tête de la division musique de Pro Helvetia. "Si on regarde les Grammys, si on regarde les Victoires de la musique dernièrement, les femmes ont vraiment la part belle", dit-elle dans l'émission Forum. "En France, il y a toute une scène qui explose et ce sont des femmes."
D'autres festivals arrivent d'ailleurs à avoir une programmation plus équilibrée. Festi'neuch, par exemple, est connu pour son engagement auprès des artistes féminines, même si eux aussi constatent que l'exercice peut être difficile.
"On est en bout de chaîne du marché de la musique et c'est un fait qu'il y a moins d'artistes féminines sur scène qui font de la musique", affirme Antonin Rousseau, le directeur de Festi'Neuch, dans le 19h30 de la RTS. "Par contre, on tient à accompagner le changement et je pense qu'on peut être acteurs et actrices de ce changement en affichant vraiment cette volonté d'offrir une meilleure représentation dans nos programmations."
Michael Drieberg, au contraire, estime que ce n'est pas le rôle des festivals tels que Sion sous les étoiles. "Il n'y a qu'une scène, les gens ont payé 95 francs pour voir des artistes. Ils veulent voir des artistes connus", soutient-il. "Nous sommes un festival commercial. Ça coûte des millions de faire un festival. Ce n'est pas notre rôle de mettre en avant et de faire émerger des artistes", ajoute-t-il.
Un problème systémique
Le phénomène du manque de femmes sur les affiches de festivals est systémique et quasi-systématique. Aujourd'hui, elles restent minoritaires sur presque toutes les scènes de Suisse romande. "Ce problème d'un déséquilibre et d'une inégalité des chances dans l'accès à une grande scène est identifié", explique Dominique Rovini.
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Selon elle, pour arriver à plus d'égalité, tout le monde a un rôle à jouer. "On fait partie d'une chaîne et chaque maillon a un pouvoir de décision, que ce soit du processus de création, de production, de marketing et dans les choix de programmation. Et là, tout le monde doit faire un effort", dit-elle.
La rappeuse vaudoise Nathalie Froehlich dénonce aussi un problème sociétal. Pour elle, ce travail de représentation des femmes ne doit pas passer uniquement par la programmation. "Ça passe également par l'arrière-boutique", explique-t-elle.
"Il faut davantage de femmes qui aient un pouvoir décisionnel dans les festivals, qui vont faire qu'aujourd'hui la représentation des femmes soit beaucoup mieux distribuée", ajoute-t-elle. "Et on aura enfin une vraie représentation."
Quant à savoir s'il y aura davantage de femmes sur les scènes des autres festivals romands cet été, Paléo, Montreux ou Caribana pourraient encore faire pencher la balance. Ils devraient annoncer leur programmation d'ici le mois prochain.
Sujet TV et interview radio: Ainhoa Ibarrola et Valentin Emery
Adaptation web: Emilie Délétroz