S'il est devenu père de famille, Chien Bleu n’en a pas fini d’évoquer ses souvenirs et traumas d’enfance. Sur son précédent EP déjà, l’indomptable "Jours sauvages", cet ancien chanteur punk converti au rap s’était longuement penché sur cette période formatrice cruciale.
Aujourd'hui, sur son premier album "On va jamais mourir", Chien Bleu continue de regarder dans le rétroviseur et évoque cette nécessité qui constitue encore un moteur de son inspiration. "C'est vrai que ma situation personnelle me donne envie de regarder dans le rétroviseur. Quand j'écrivais cet album, ma copine est tombée enceinte et du coup, avoir un enfant, c'est se poser des questions sur l'enfance et ça amène aussi à revisiter la sienne. Mais j'ai l'impression que ces nouveaux titres sont en même temps, et davantage qu'avant, très ancrés dans le présent", indique Chien Bleu dans l'émission Vertigo du 2 décembre.
Evocations plus frontales des souvenirs
Le rappeur genevois estime également que mettre le nez dans l'enfance, "période cruciale pour beaucoup de gens, m'aide à comprendre qui je suis. J'y trouve souvent les racines de mon identité ou de mes comportements actuels. Et c'est plus beau de les mettre en musique avec des boucles et des instruments".
Au fil des chansons de "On va jamais mourir", Chien Bleu évoque ainsi plus frontalement désormais tant ses rêves passés d’être un bandit que sa dyslexie, le harcèlement scolaire, les soucis avec l'autorité ou la disparition de sa mère tout un été durant (le tendre "Mman"). Autant de souvenirs marquants, parfois éprouvants, qui côtoient encore des amitiés sérieusement contrariées par la mort ou la drogue (le grave "Solo").
"J'ai toujours été dyslexique et quand j'étais petit, je l'étais beaucoup. Ça n'aide évidemment pas à avoir confiance en soi parce que tu te retrouves scolairement invalidé. Pour ce qui est de maman, qui est professeure de chant, une artiste, j'ai beaucoup vogué avec elle et connu une enfance un peu particulière. Elle m'emmenait à des petits concerts et je vivais dans une sorte de bulle étrange. Ce qui fait que je ne partageais pas la même pop culture que les autres enfants issus de la même classe sociale que moi. Je pense que ce décalage m'a beaucoup marqué", raconte Valentin Tengler de son vrai nom, devenu Chien Bleu.
La boxe et le hip-hop comme échappatoires
Sa mère voulait aussi qu'il fasse de la danse classique enfant, mais le Genevois a plutôt opté pour la boxe, pour pouvoir rendre les coups qu'il prendrait éventuellement et se démener dans ses dénis de l'autorité: "C'est vrai que j'ai toujours eu un peu cette aversion pour l'autorité. Je ne sais pas exactement d'où ça vient. Peut-être que c'est aussi une forme d'affirmation de soi. J'ai eu l'impression que la norme n'était pas toujours juste. Et du coup, quand on se dresse contre la norme, on est perçu comme un bandit."
Et ce qui a probablement évité à Chien Bleu durant son enfance sauvage de prendre de mauvaises directions, c’est évidemment la musique. Au même titre qu’il n’envisage pas son répertoire existentiel orchestré avec autre chose que des instruments organiques, la musique lui a peut-être sauvé la mise.
Olivier Horner
Chien Bleu, "On va jamais mourir" (Bleu Charbon). Sorti le 6 décembre 2024
En concert-vernissage au Rez de l'Usine, Genève, le 1er février 2025.