En onze titres parfois intimistes et introspectifs ou parfois plus expressifs et lyriques, LouisLudwig se penche au fil de "Jabalon" sur des thèmes personnels comme les relations humaines déceptives et autres désillusions, la dépression, le rapport au temps et au corps, en laissant toujours une place centrale à la vulnérabilité.
Une thématique qui s’est imposée à LouisLudwig sans qu'il ait vraiment d'explication, indique-t-il dans l'émission Vertigo du 9 décembre: "En tant qu'homme blanc cisgenre, hétéro aisé, j'ai peu de combats à mener parce que je suis nanti de tous les privilèges qu'on peut espérer. Mais en même temps, tout ce que je peux dire, c'est évoquer un peu cette vulnérabilité. Ce n'est pas cynique ou fataliste, mais il s'agit juste de dire qu'on a nos moments brillants et moins reluisants, sans euphémismes".
Exploration des failles humaines
Cette vulnérabilité, il l'accole aussi à sa musique, en puisant dans différents genres, en étant influencé par différents groupes sans réfléchir, en chantant tantôt en français, tantôt en anglais ou en ne chantant pas. "C'est en fait une sorte de position d'accueil, estime LouisLudwig. Je fais avec ce qu'il y a, ce qui vient et ce qui est. Je n'essaye pas de dépasser certaines limites ou de correspondre à quelque chose. En cela, c'est peut-être un peu vulnérable".
Cette omniprésence de la fragilité tient sans doute aussi à sa profession de psychiatre. Tout comme à l'inverse, le chanteur concède que c'est l'intérêt pour ce sujet qui l'a amené vers des domaines comme la psychiatrie, l'hypnose et même la musique.
Sans morale, mais en posant tout de même des jugements un peu humains sur l'existence, LouisLudwig parvient dans "Jabalon" à procéder par associations d'idées et révélations personnelles. Les failles occupent donc principalement le répertoire de ce deuxième album solo singulier dont le titre est emprunté au roman de Jean Genet "Querelle de Brest". L’histoire d’un marin criminel qui a elle-même pour fil rouge une chanson intitulée "L’étoile du marin".
Les influences inspirantes nécessaires
En plus d’autres références littéraires, certaines influences musicales éparses affleurent dans ces onze chansons en clair-obscur, de Bertrand Belin à Alain Bashung pour les parties chantées, de François de Roubaix à Connan Mockasin pour les plages instrumentales.
L’un des titres aussi forts de ce deuxième album s’appelle "Le sens de la nuit". Si l'ambiance musicale de la chanson a été inspirée à LouisLudwig par un groupe nommé The Saxophones, le sens de ce texte traitant d'un type déprimé, un peu dissocié, qui cherche sa voie sans la trouver lui est - comme souvent - apparu après coup: "Mais pas comme une épiphanie, jure-t-il. Au moment où cet homme accepte cet état des choses, qu'il se montre vulnérable en somme, il retrouve un sens à sa vie".
Née comme l'ensemble de ses chansons sur l'ordinateur de LouisLudwig, "Le sens de la nuit" côtoie ainsi d'autres titres déclenchés par d'autres univers sonores, comme "A châteaux ouverts" inspiré par la pop lyrique de Melody’s Echo Chambre, "Asleep Drummer" suscité par l'excentrique rockeur Father John Misty ou "Third Peak" évoqué par Angelo Badalamenti, le compositeur de la bande originale angoissante de "Twink Peaks".
Evidemment, LouisLudwig dévie rapidement de ses sources d'inspiration atmosphériques pour échafauder ses propres climats sonores. Il concède toutefois un manque de confiance en soi à l'heure de l'acte de création: "Je suis souvent d'accord avec le dernier qui parle et suis donc très influençable, tout en l'acceptant. Si ne je pars de rien, je ne peux arriver à rien. Donc d'autres artistes me donnent juste une direction pour bien me positionner, me permettre d'enclencher la deuxième avant de m'éloigner énormément de leurs influences".
Olivier Horner
LouisLudwig, "Jabalon" (Irascible Music). Paru le 24 mai 2024.
En concert au Bleu Lézard, Lausanne, le 19 décembre 2024 aux côtés de Yalisco et No Phase.